La baisse du niveau de l’eau dans le barrage hydroélectrique de Memvé’élé et les travaux de maintenance en cours à la centrale à gaz de Kribi ont contribué au déficit énergétique qui affecte actuellement le Cameroun.
Dans une correspondance du 8 mars 2022, adressée au directeur général d’Eneo, le concessionnaire du service public de l’électricité au Cameroun, le ministre de l’Eau et de l’Energie instruit le rationnement des entreprises «?énergivores?», pour permettre l’approvisionnement des ménages du pays, qui croulent sous le poids des délestages depuis quelques semaines.
«?J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’il apparaît un déficit à la pointe dans le RIS [Réseau interconnecté Sud qui englobe six régions sur 10, NDLR] de 30 MW et de 16 MW dans le RIN [Réseau interconnecté Nord qui englobe les trois régions septentrionales, NDLR], qui aura comme conséquence un rationnement important de milliers de ménages. Aussi, vous voudrez bien instruire, dès ce 8 mars 2022, vos services techniques compétents de procéder à des délestages quotidiens des industriels énergivores de la ville de Douala et environs, à hauteur de 30 MW, afin d’éviter le rationnement des ménages […]?», écrit le ministre Gaston Eloundou Essomba.
Selon une source proche du dossier, le déficit de 30 MW sur le RIS énoncé par le membre du gouvernement dans sa correspondance est minimisé. A la vérité, apprend-on, il varie entre 60 et 65 MW chaque jour, du fait de la saturation du réseau de transport et de la baisse de la production enregistrée fin février 2022 sur le barrage de Memvé’élé (entre 0 et 35 MW au lieu de 90 MW), en raison de la saison sèche, et à la centrale à gaz de Kribi (environ 126 MW au lieu de 216 MW), à cause des opérations de maintenance en cours.
En cette première quinzaine du mois de mars 2022, apprend-on de source autorisée, ce déficit de production s’améliore, du fait de la remontée progressive de la production à Memvé’élé (35 à 70 MW au lieu de 90 MW), à la faveur du retour des pluies. Mais, la situation demeure préoccupante. Et les entreprises doivent en payer le prix.
«?Le ministre réactive simplement un schéma déjà mis en œuvre pendant la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de football, organisée entre janvier et février 2022 par le Cameroun. Je puis même vous dire qu’avant cette nouvelle instruction ministérielle, nous rationnions déjà les entreprises, ces derniers temps, pour pouvoir alimenter les ménages. Avec la directive ministérielle, ce rationnement des entreprises va s’intensifier dans les zones industrielles de Bassa et de Bonabéri, notamment dans la soirée?», confie une source proche du dossier.
Sonatrel
A en croire le ministre Eloundou Essomba, le retour à la normale est attendu d’ici la fin du mois de mars. «?Lorsque le ministre dit que les entreprises doivent être rationnées jusqu’à la fin du mois de mars, il compte sur le retour des pluies qui va stabiliser la production dans les barrages hydroélectriques du pays. Mais, il compte surtout sur les travaux que réalise actuellement la Société nationale de transport de l’électricité (Sonatrel) sur la ligne Bekoko-Nkongsamba-Bafoussam. A cause de ces travaux, les régions de l’Ouest, du Sud-Ouest et du Nord-Ouest sont quasiment sans électricité ce jour [12 mars 2022, NDL]?», souffle notre source.
En effet, apprend-on, la Sonatrel, la société d’Etat en charge de la gestion du volet transport de l’électricité, a entrepris de construire une ligne de 225 KV (très haute tension) entre Nkongsamba et Bafoussam (Bekoko-Nkongsamba est déjà en 225 KV, NDLR), à côté de la ligne de 90 KV existante, et dont les capacités sont désormais insuffisantes.
«?Ces travaux, qui étaient censés être réalisés avant 2019, dans la perspective de la CAN, devraient conduire à une relative stabilisation du réseau sur la ligne Bekoko-Nkongsamba-Bafoussam, qui sera désormais entièrement en 225 KV. Malgré cela, le problème structurel qu’est le transport de l’électricité [vieillissement et saturation des équipements, NDLR] ne sera résolu qu’en partie, parce que la situation critique dans les postes de Logbaba (Douala) et de Ngousso (Yaoundé) va demeurer?», précise notre source.
Pour rappel, afin de décongestionner les postes de transport d’électricité, la Sonatrel a récemment acquis une vingtaine de transformateurs. Mais, au moment de leur installation, des défauts de fabrication ont été constatés sur ces équipements. De bonnes sources, l’entreprise publique se prépare à les retournés à son fournisseur turc. Et cela devrait prendre «?environ six mois?» pour que ces équipements soient retournés au Cameroun, souffle une source autorisée.
Brice R. Mbodiam
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