Nobel de littérature : le Kényan Ngugi Wa Thiong'o snobé malgré les attentes

Publié le 10/10/2024

Souvent placé, mais jamais désigné dans la course au Prix Nobel de littérature, l’écrivain kényan Ngugi Wa Thiong'o ne sera pas non plus lauréat de l’édition 2024. La Sud-Coréenne Han Kang vient d’être annoncée gagnante de prix et devient de ce fait la première lauréate de son pays.

L’écrivain kényan Ngugi Wa Thiong'o (photo) ne remportera finalement pas le prix Nobel de littérature 2024. La récompense vient d’être décernée à la Sud-Coréenne Han Kang qui succède à l’écrivain norvégien Jon Fosse, consacré en 2023. Han Kang a déjoué tous les pronostics des milieux littéraires et des plateformes de paris en ligne., ne figurant dans aucun des Top 20 des bookmakers pour remporter la récompense.

Ngugi Wa Thiong’o était de son côté le 20e favori chez le bookmaker anglais Ladbrokes ou encore le 6e chez le canadien Bovada. La favorite dans la grande majorité des prédictions était la Chinoise Can Xue. Ce n’est pas la première fois que le Kényan est pressenti pour le Nobel de littérature sans l’obtenir. Son nom avait déjà été mentionné parmi les favoris en 2010, en 2013, en 2017, pour ne citer que ces années. L’écrivain a toutefois relativisé l’importance de ce prix. « Être distingué par le Nobel est absolument valorisant, mais ce n’est pas essentiel. Je ne considère pas cela comme une consécration », a-t-il déclaré.

S’il était récompensé, il serait devenu le 3e écrivain noir africain à remporter le prix Nobel après le Nigérian Wolé Soyinka en 1986 et le Tanzanien Abdulrazak Gurnah en 2021. Les autres lauréats du continent sont l’Egyptien Naguib Mahfouz en 1988, et les Sud-Africains Nadine Gordimer et John Maxwell Coetzee, respectivement en 1991 et 2003.

Peu connu dans le monde francophone, peut-être parce que moins d’une dizaine de ses livres sont traduits en français sur une trentaine composant son œuvre, le Kényan est l’un des auteurs africains les plus connus dans les milieux anglophones. La raison de cette notoriété n’est pourtant pas liée à une préférence particulière pour l’anglais. Au contraire, toute l’œuvre de Ngugi Wa Thiong'o est un tract en faveur de la littérature en langues africaines.

En 1986, dans son livre « Décoloniser l’esprit », qu’il décrit comme un « adieu à l’anglais », il évoque la nécessité de s’affranchir de la langue des colons pour s’exprimer et décrire de manière plus fidèle et plus authentique une culture résolument africaine. « Dans la mesure où elles sont celles du peuple, les langues africaines ne peuvent qu’être ennemies de l’État néocolonial », écrit-il par exemple dans son livre.

Emprisonné en 1978 sous le régime de Jomo Kenyatta pour avoir conçu une pièce de théâtre en kikuyu, où il expose une vision très critique du pouvoir, l’auteur décide « d’écrire dans la langue qui a valu l’incarcération ». Dans sa cellule, il rédige, sur du papier toilette, le tout premier roman en kikuyu : Caitaani Mutharaba-ini ( Le diable sur la croix).  

Servan Ahougnon