La RDC domine l’approvisionnement mondial pour plusieurs métaux, comme le cobalt, l’étain et le tantale. Selon plusieurs rapports, une partie de la production congolaise de ces métaux est exportée illégalement vers les pays voisins et sert à financer des groupes rebelles.

La RDC incite les entreprises technologiques américaines comme Apple, Google et même Tesla à traiter directement avec Kinshasa en matière d’approvisionnement en minerais. L’appel lancé fin septembre par la ministre d’État, en charge de l’Environnement, Eve Bazaiba et le ministre du Commerce extérieur, Julien Paluku, intervient alors que les critiques fusent de plus en plus contre les mécanismes de traçabilité internationaux en vigueur dans le pays.

Au cours du Forum USA-RDC, les ministres congolais ont dénoncé l’influence des «?commissionnaires qui ont constitué un réseau international pour ternir injustement l’image du pays?», a rapporté la presse locale. Cette sortie intervient alors que le département américain du Travail a ajouté il y a quelques semaines le cobalt congolais à la liste des produits obtenus grâce au travail des enfants.

Cette inscription sur liste rouge intervient malgré les différents mécanismes de traçabilité censés assurer que l’approvisionnement en minerais depuis la RDC provienne de sources respectant les droits de l’homme et «?libre de conflits?». Cela illustre l’échec de ces mécanismes, comme l’a souligné un rapport du Congrès américain publié en octobre. À en croire l’organisme d’audit, d’évaluation et d’investigation du Congrès (Government Accountability Office), la règle qui oblige certaines entreprises à rendre compte de leur utilisation de tantale, d’étain, de tungstène et d’or n’a pas contribué à réduire la violence en RDC.

En vigueur depuis 2012, il s’agit d’une règle qui consiste à exiger des entreprises utilisant les minerais suscités, et dont certains sont principalement extraits en RDC, à déclarer l’origine exacte de ces minerais. Cela vise à réduire les revenus des groupes armés qui profitent de ces minerais, soit en prélevant des taxes auprès des mineurs artisanaux, soit en organisant directement l’exploitation minière. Selon l’ONU, le groupe M23 génère ainsi environ 300?000 dollars de revenus chaque mois grâce aux taxes prélevées sur la production de coltan dans les territoires de Masisi et de Rutshuru, au Nord-Kivu.

L’importance des minéraux congolais

Ce n’est pas la première fois que les mécanismes de traçabilité de certains minéraux critiques produits en RDC sont mis en cause. Global Witness a ainsi révélé en 2022 que l’Initiative de la chaîne d’approvisionnement de l’étain (ITSCI), destinée à assurer une chaîne de traçabilité fiable des minerais 3T permet la contrebande et le blanchiment de ces minerais extraits en RDC. L’ONG a estimé que 90 % de ces minerais exportés par le Rwanda sont introduits illégalement à partir de la RDC.

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’appel lancé récemment par les autorités congolaises. Les contours de la relation directe que souhaite construire Kinshasa avec les consommateurs finaux des minéraux ne sont pour le moment pas connus. Il faut cependant souligner que le gouvernement congolais dispose de certains atouts à la table des négociations.

La RDC est le premier producteur mondial de tantale, métal considéré comme critique aux Etats-Unis et dans l’Union européenne. Ce métal est essentiel à la fabrication des composants électroniques et l’offre mondiale est concentrée dans quelques pays d’Afrique centrale, dont certains profitent des circuits d’exportation illégaux en RDC. Grâce à la seule mine de Bisie appartenant à Alphamin Resources, la RDC fournit aussi 4,5 % de la production mondiale d’étain, sans compter la production artisanale qui n’est pas négligeable. Rappelons enfin que le pays assure plus de 70 % de la production mondiale de cobalt.

En contrôlant mieux la chaîne d’approvisionnement, la RDC peut maximiser les revenus générés par ces différents minéraux. En 2023 par exemple, les exportations d’or artisanal ont enregistré un bond de plus de 12?000 % en glissement annuel, grâce à un accord signé par le gouvernement et une société émiratie. Cet accord a en effet permis un meilleur contrôle de l’or artisanal produit à l’est du pays, en imposant aux mineurs un interlocuteur privilégié.

Emiliano Tossou

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14/03/2024 - Les exportations d’or artisanal de la RDC font un bond de 12?000 % en 2023, grâce à Primera Gold

07/07/2022 - 90% des minerais 3T exportés par le Rwanda sont introduits illégalement à partir de la RDC (Global Witness)