Saisie par une ONG qui juge que l’APE Kenya-UE contrevient à certaines dispositions du traité instituant le marché commun de la Communauté d’Afrique de l’Est, la Cour régionale a ordonné la suspension de l’accord. Nairobi conteste cette décision qui risque de mettre en péril 1,56 milliard de dollars d'exportations annuelles vers le marché européen.
Le Kenya va faire appel de la décision de la Cour de justice d'Afrique de l'Est (EACJ) qui a suspendu la mise en œuvre de l'Accord de partenariat économique (APE) signé avec l'Union européenne (UE) en 2023, a annoncé le ministre kényan du Commerce, des investissements et de l’Industrie, Lee Kinyanjui (photo), le mercredi 26 novembre.
« Le ministère du Commerce a lancé une procédure d'appel pour obtenir la levée de l'injonction de la Cour de justice d'Afrique de l'Est. L'APE Kenya-UE est la bouée de sauvetage de nos exportations florissantes et une source de subsistance pour une large majorité de Kényans », a indiqué le ministre dans un communiqué.
« Le Kenya continuera de commercer avec l'UE, et des mesures sont en cours pour garantir la continuité, la prévisibilité et la protection de nos accords commerciaux existants », a-t-il ajouté.
Institution judiciaire régionale de la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC), l’EACJ avait émis, le lundi 24 novembre, une ordonnance suspendant l’APE conclu entre le Kenya et l’UE, en attendant l’issue d’une requête introduite par une ONG contestant cet accord commercial qui garantit aux produits kényans un accès en franchise de droits au marché européen, et prévoit une ouverture progressive du pays est-africain à un plus grand nombre de produits européens.
Violations
Selon la requête publiée sur le site Web officiel de la cour basée à Arusha (Tanzanie), l'ONG Centre for Law Economics and Policy on East African Integration (CLEP East Africa) a introduit la requête contre le Kenya, au motif que son accord commercial avec l'UE « violait certaines dispositions du traité établissant le marché commun de la Communauté d'Afrique de l'Est », dont le Kenya est membre.
L’APE Kenya-UE, qui a pour objectif de libéraliser le commerce et d’accroître les flux d'investissements entre les deux parties, est entré en vigueur en juillet 2024. Les engagements qu'il contient incluent des dispositions contraignantes sur des questions liées au travail, à l'égalité entre les hommes et les femmes, à l'environnement et à la lutte contre le changement climatique.
En 2024, les exportations du Kenya vers l’UE ont atteint 1,56 milliard de dollars alors que ses importations en provenance du bloc européen se sont établies à 2,09 milliards de dollars, selon les données du ministère kényan du Commerce.
Dans un contexte où les pays occidentaux cherchent à contester à la Chine sa place de premier partenaire commercial de l’Afrique, Bruxelles espère faire de son APE avec le Kenya le nouveau socle de ses relations avec les pays d’Afrique de l’Est. En 2014, l’UE avait conclu un Accord de partenariat économique plus large avec la Communauté de l'Afrique de l'Est. Cet accord, qui prévoyait l’ouverture immédiate des marchés européens aux produits des pays de la région, en contrepartie d’une ouverture progressive des marchés de l’Afrique de l’Est aux produits européens, n’a jamais été mis en œuvre. Sur les cinq membres de l’EAC d’alors (le Kenya, le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie et l'Ouganda), seul le Kenya l'a ratifié. En 2021, les autres membres de l’EAC avaient cependant permis à Nairobi de poursuivre une renégociation de l'accord sans eux.
Walid Kéfi
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