A l’heure de la course mondiale aux minéraux critiques, l’Afrique se positionne comme une terrain stratégique pour les grandes puissances. Mais le continent n’entend plus se limiter à la simple livraison de matière première brute, exigeant de plus en plus des chaînes industrielles intégrées.
Le samedi 22 novembre, le gouvernement britannique a présenté un nouveau plan à 50 millions de livres sterling (environ 65,4 millions USD) visant à sécuriser les besoins du pays en minerais critiques d’ici 2035. Le programme met l’accent sur le renforcement des capacités nationales de production et de transformation, tout en soulignant l’importance de continuer à « nouer des partenariats avec des pays riches en ressources ».
Une orientation qui devrait être suivie de près en Afrique, où Londres tisse encore discrètement les fils d’une diplomatie centrée sur les minerais critiques.
Le Royaume-Uni dans les minéraux critiques africains
Le plan devrait, apprend-on, s’appuyer sur l’expertise britannique dans les « domaines universitaire, de la recherche et du développement, de la finance et du commerce » pour stimuler des opportunités, notamment à l’étranger. Si l’Afrique n’est pas ouvertement citée à l’occasion, notons qu’elle est déjà partie prenante d'initiatives précédemment mises en œuvre par le Royaume-Uni dans le domaine des minerais critiques.
Un document de la Chambre des communes publié en mars 2024, fait notamment état d’un projet de 900 000 livres sterling lancé à cette fin en octobre 2023. Ce financement appuyé par un fonds d’aide publique au développement (ODA) vise à identifier des opportunités bancables dans le traitement de ces minéraux sur le continent. L’objectif étant de fournir, à terme, une assistance technique aux pays africains partenaires et de les aider à obtenir des investissements.
Parallèlement, la note souligne que les dirigeants souhaitent orienter le programme «?Manufacturing Africa?» vers des activités liées à la transformation en aval dans les chaînes d’approvisionnement de ces matières premières. Cette initiative destinée à accompagner les entreprises dans leur recherche d’investissements, aurait déjà soutenu 28 transactions pour une valeur cumulée de plus de 314 millions de livres sterling dans la région.
Les ambitions britanniques se traduisent aussi par l’examen approfondi de partenariats potentiels. Dans des plaidoyers publiés en octobre dernier, Downing Street met en avant les bénéfices mutuels d’une collaboration avec des pays africains tels que la Tanzanie et la Zambie dans le domaine. La note consacrée à la Tanzanie précise que la production future de graphite de ce pays pourrait à elle seule être «?six fois supérieure à la demande britannique?».
Accélérer la course dans la région ?
Ces divers développements témoignent globalement d’un intérêt marqué du Royaume-Uni pour le potentiel minéral africain. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le continent détient près de 30 % des réserves mondiales de minerais critiques, notamment le cuivre, le cobalt, le graphite, le lithium et les terres rares. Une richesse qui le place de plus en plus au centre de l'intérêt, à un moment où les grandes puissances multiplient les actions pour sécuriser leur approvisionnement.
Accélérer les projets annoncés dans la région pourrait permettre à Londres de s’inscrire davantage dans une dynamique d’offensive principalement portée par la Chine, leader sur la chaîne mondiale des minerais critiques, et plus récemment par les États-Unis. Les prochaines initiatives britanniques visant les sources d’approvisionnement à l’étranger permettront de mesurer concrètement la place de l’Afrique dans cette stratégie.
Prendre en compte les priorités africaines
Il est cependant essentiel que la mise en œuvre d’une telle orientation prenne en compte des dispositions susceptibles de satisfaire toutes les parties concernées. En amont de l’élaboration de la stratégie annoncée, The Guardian, citant des militants de la société civile, soulignait en mai la nécessité pour les dirigeants britanniques d’éviter tout risque d’exploitation abusive dans la course mondiale aux minéraux critiques.
« Pour avoir une chance de réussir, la transition écologique ne peut pas reposer sur l’exploitation des pays les plus pauvres par des entreprises irresponsables […]. C’est pourquoi le gouvernement britannique doit saisir l’occasion de définir une nouvelle approche dans sa prochaine stratégie relative aux minéraux critiques », a déclaré Cleodie Rickard, responsable chez Global Justice Now, selon le journal.
Cette réflexion s’aligne notamment avec les nouvelles exigences des pays africains, plus que jamais désireux de passer du rôle historique de fournisseurs de minerais bruts à celui d’acteurs industriels au sein des chaînes de valeur mondiales. Une analyse du think tank CSEP sur l’offensive indienne dans les minéraux critiques en Afrique souligne aussi la nécessité de reconnaître et de s’aligner sur les priorités du continent, notamment en matière de création de «?réseaux industriels régionaux?».
Aurel Sèdjro Houenou
Edité par : Feriol Bewa
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