Déjà sanctionné à Londres pour un défaut de paiement lui valant 657 millions de dollars au profit d’Afreximbank, le pays fait désormais face aux poursuites d’autres créanciers, dont BB Energy et Vitol, qui l’accusent de n’avoir pas livré les cargaisons promises.
Le Soudan du Sud a officiellement demandé 2,5 milliards de dollars de prêts adossés à son pétrole à deux compagnies étrangères : 1 milliard à l’indienne ONGC Videsh et 1,5 milliard à la China national petroleum corporation (CNPC).
Ces montants, supérieurs au budget annuel du pays, seraient garantis par des cargaisons futures de brut, avec un remboursement prévu sur 54 mois à partir du décaissement. Le ministère du Pétrole affirme que les fonds serviront à des usages officiels.
Cette nouvelle demande s’ajoute à plus de 2,2 milliards de dollars déjà contractés depuis l’indépendance en 2011. Le FMI et les Nations unies alertent sur l’impact de ces emprunts sur la soutenabilité de la dette, estimée à 3,7 milliards de dollars fin 2023. Le pays a déjà été condamné par un tribunal de Londres à verser 657 millions de dollars à Afreximbank après un défaut de paiement, tandis que d’autres créanciers, comme BB Energy et Vitol, ont engagé des procédures pour non-livraison de cargaisons.
Selon un rapport du Sudd Institute publié en octobre 2025, cette dépendance chronique aux prêts pétroliers traduit un échec à appliquer le code pétrolier de 2013. Celui-ci prévoyait la création d’un compte de stabilisation et d’un fonds pour les générations futures pour absorber les chocs économiques. Faute d’avoir été mis en place, ces mécanismes ont laissé la place à un système parallèle où les avances pétrolières tiennent lieu d’outil budgétaire.
L’économiste Bec George Anyak estime que cette dérive n’est pas due à des facteurs extérieurs, mais à « un effondrement de la gouvernance ». Plus de 90 % des recettes publiques proviennent du pétrole, dont une part croissante est absorbée par le service de la dette et les dépenses extrabudgétaires.
Les Nations unies soulignent que la corruption liée à la gestion de cette manne a alimenté les violences politiques, notamment la guerre civile de 2013-2018 qui a causé environ 400 000 morts.
Avec une production tombée à 72 000 barils par jour en 2024, le pays peine à honorer ses engagements et à financer ses dépenses. Sans réforme profonde, Juba risque une nouvelle asphyxie financière. Le Sudd Institute recommande un moratoire sur les prêts adossés au pétrole, la création d’un registre public de la dette et l’application intégrale du code pétrolier.
En continuant à échanger son pétrole contre du crédit, le Soudan du Sud compromet sa stabilité budgétaire. L’or noir censé financer la reconstruction menace désormais de devenir le moteur d’un nouvel effondrement économique.
Olivier de Souza