L’électricité sera au cœur des actions pour atteindre le zéro émissions nettes de carbone, selon l'AIE

Publié le 13/11/2025

Face au changement climatique, les pays devront revoir en profondeur leurs modèles énergétiques. Pour l’Afrique, cette transformation est étroitement liée à la nécessité d’améliorer la fiabilité et l’accessibilité de l’électricité.

Le « World Energy Outlook 2025 » publié le mercredi 12 novembre par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) est présenté par ses auteurs comme l’évaluation la plus complète des trajectoires possibles pour le système énergétique mondial. Le rapport identifie plusieurs scénari futurs, dont le « Net Zero Emissions » (NZE) qui correspond à des émissions nettes de carbone nulles en 2050.

Dans cette perspective, l’électricité occupe une place centrale, car il faudrait transformer en profondeur la production électrique et étendre massivement son usage dans les secteurs consommateurs d’énergie. La neutralité carbone dans le scénario NZE repose selon l’AIE sur quatre leviers : décarboner la production, électrifier les usages finaux, améliorer l’efficacité énergétique et développer des solutions bas carbone complémentaires comme l’hydrogène ou le captage.

 

L’Agence estime que ces leviers justifient près des deux tiers des réductions d’émissions prévues d’ici 2035.

Décarboner la production électrique

Les sources bas carbone représentaient un peu plus de 40 % de la production électrique mondiale en 2024. Dans le NZE, la capacité renouvelable mondiale devrait tripler entre 2022 et 2030, pour atteindre environ 75 % du mix électrique en 2035. Le rapport souligne aussi l'évolution rapide et nécessaire en flexibilité. La capacité de stockage par batteries sera ainsi multipliée par 17 d’ici 2035, pour atteindre environ 2900 GW de puissance et plus de 8400 GWh d’énergie stockée.

Cette trajectoire suppose le renforcement de la sécurité électrique, qui devient un facteur central de la transition. L’AIE estime que près de 30 millions de kilomètres de lignes de transport et de distribution devront être ajoutés. Le nucléaire, l’hydroélectricité, les centrales avec dispositifs de captage de carbone et les unités utilisant l’hydrogène ou l’ammoniac devront par ailleurs compléter le système pour garantir la disponibilité et la stabilité d’un mix dominé par les renouvelables variables.

Une électricité verte et durable pour les usages finaux

Les secteurs de l’industrie, des transports et des BTP causent plus de la moitié des émissions énergétiques mondiales selon le rapport. Dans le NZE, la part de l’électricité dans la consommation finale passe d’environ 20 % aujourd’hui à un tiers en 2035, puis à 55 % en 2050.

Les véhicules électriques seront un des moteurs de l’intégration de l'électricité verte dans les usages finaux, conduisant à une réduction estimée à 2,4 gigatonnes de CO? dans ce secteur d’ici 2035. Dans le BTP, la part des pompes à chaleur dans le chauffage passe de 12 % aujourd’hui à 45 % en 2050. L’industrie légère augmente aussi son usage de l’électricité, qui passe d’environ 40 % aujourd’hui à plus de 50 % en 2035.

 

Pour les usages difficiles à électrifier, comme certaines industries lourdes ou l’aviation, le scénario s’appuie sur la bioénergie, l’hydrogène, les carburants de synthèse et le captage du carbone.

L’Afrique face au Net Zero Emissions

En 2023, le mix électrique africain restait largement dominé par les combustibles fossiles. Le gaz représentait 42 % de la production, le charbon 25 % et le pétrole 7,9 %. L’hydroélectricité comptait pour 18,4 %, tandis que l’éolien et le solaire combinés ne pesaient qu'environ 5 %. Cette structure contraste avec la tendance mondiale, où le renouvelable progresse plus vite et où la dépendance au fossile diminue.

Le poids des principaux producteurs du continent explique largement cette configuration. L’Afrique du Sud, l’Égypte, l’Algérie, le Maroc et le Nigeria se reposaient majoritairement sur le charbon ou le gaz, ce qui tire le mix continental vers le fossile, malgré les systèmes fortement renouvelables de pays comme l’Éthiopie ou la République démocratique du Congo.

 

L’Afrique reste ainsi l’une des régions les plus exposées aux impacts du changement climatique, alors même qu’elle dispose d’un potentiel solaire, éolien, hydroélectrique et géothermique considérable. Accélérer la part du renouvelable et augmenter l’usage de l’électricité pourrait non seulement limiter les émissions, mais aussi améliorer l’accès à une électricité fiable et abordable, ce qui reste l’un des défis majeurs sur le continent.

Le scénario Net Zero Emissions de l'AIE montre qu’un système énergétique compatible avec la neutralité carbone repose avant tout sur une électricité bas carbone, disponible, flexible et largement utilisée dans tous les secteurs. Pour le continent africain, cette trajectoire représente autant un défi qu’une opportunité pour bâtir un écosystème électrique plus fiable et davantage aligné avec ses besoins de développement, tout en l'adaptant au changement climatique.

Abdoullah Diop

Edité par : Feriol Bewa