A l’occasion de sa prestation de serment du 6 novembre 2025, le président Paul Biya a dévoilé les grandes lignes de sa politique économique pour les sept prochaines années. Centrée sur l’emploi, la production locale et la stabilité, cette feuille de route entend donner un nouveau souffle à l’économie camerounaise après une période marquée par les crises mondiales et les tensions post-électorales.
Déclaré vainqueur de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025 au Cameroun, Paul Biya a prononcé, le 6 novembre 2025, un discours d’investiture tourné vers l’avenir. Dans son allocution, le chef de l’État a présenté cinq grandes priorités économiques pour son nouveau mandat : un plan spécial pour l’emploi des jeunes, la poursuite des grands chantiers d’infrastructure, la promotion de l’entrepreneuriat féminin et de la formation, la modernisation de la gouvernance publique et, enfin, le renforcement de la coopération internationale.
Le président a aussi appelé les Camerounais à « l’unité et la mobilisation collective pour bâtir un Cameroun uni, stable et prospère ». Mais c’est surtout son plan d’urgence pour l’emploi des jeunes qui a retenu l’attention. Ce programme, a-t-il promis, s’appuiera sur des incitations fiscales pour les entreprises qui embaucheront des jeunes et sur des mécanismes de financement des projets entrepreneuriaux, en partenariat avec les banques locales et les bailleurs de fonds internationaux.
« Dès le prochain exercice budgétaire, une part du budget d’investissement de l’État sera consacrée à des travaux à forte intensité de main-d’œuvre », a déclaré le président, précisant que cette mesure vise à redonner espoir à une jeunesse souvent confrontée au chômage et au sous-emploi.
Une économie résiliente, mais des réformes attendues
Le précédent septennat, achevé en octobre 2025, a été celui de la résilience économique. Confronté à des crises d’ampleur mondiale — pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine, perturbations logistiques —, le Cameroun a malgré tout su maintenir le cap. D’après le magazine spécial d’Investir au Cameroun publié à la mi-septembre 2025, la croissance économique s’est établie autour de 3,5 % en 2024 – loin derrière l’objectif de 8% de la SND 30, tandis que l’inflation, après un pic entre 2022 et 2023, est revenue à 4,5 %. Les investissements directs étrangers ont, eux, progressé de plus de 15 %, témoignant d’un regain de confiance de la part des partenaires économiques.
Les infrastructures demeurent l’un des piliers de cette résilience. Le barrage hydroélectrique de Nachtigal, le port en eau profonde de Kribi et la montée en puissance de l’industrie agroalimentaire, notamment avec l’usine Atlantic Cocoa, illustrent cette dynamique. Le magazine économique relève d’ailleurs que « l’industrie manufacturière a particulièrement bénéficié des investissements dans la transformation des matières premières locales ».
Pour autant, des voix appellent à aller plus loin. L’avocat, économiste et acteur de la société civile camerounaise , Jacques Jonathan Nyemb, rappelait que « les progrès réalisés restent en deçà des objectifs fixés pour atteindre l’émergence à l’horizon 2035 ». L’économiste Emmanuel Noubissie Ngakam, pour sa part, plaidait pour que l’accent soit mis sur des politiques « favorisant la production locale tout en préservant les ressources naturelles ». Enfin, le vétéran du patronat camerounais, André Siaka, rappelait avec force que « le partenariat entre l’État et le secteur privé est un gage de renforcement de la confiance, d’amélioration du climat des affaires et de revitalisation de la compétitivité ».
Des attentes fortes dans un climat post-électoral perturbé
La prestation de serment du président Biya intervient dans un contexte encore marqué par des tensions post-électorales. Des violences survenues après l’annonce des résultats ont provoqué des destructions d’infrastructures et paralysé partiellement l’activité dans plusieurs régions du pays, un choc dont l’impact économique reste à mesurer. Ces troubles rappellent la nécessité de restaurer la confiance et la stabilité afin que la nouvelle politique économique porte ses fruits.
« Ce pays est notre bien le plus précieux ; nous devons le construire, le solidifier et le moderniser », a martelé le chef de l’État dans un appel à la réconciliation et à la responsabilité collective. Dans les milieux économiques, l’heure est désormais à l’attente vigilante. Beaucoup espèrent que les annonces présidentielles se traduiront par des actions concrètes et mesurables. Comme le résumait Investir au Cameroun dans son numéro spécial : « Les bases sont solides, la vision est claire, la détermination intacte, mais une mobilisation plus forte des acteurs économiques est plus que jamais requise. »
Idriss Linge