Ghana : le nationalisme des ressources gagne le secteur aurifère ouest-africain

Publié le 06/11/2025

Notamment porté par le Mali et le Burkina Faso, le nationalisme des ressources gagne de plus en plus de terrain dans le secteur minier ouest-africain. Le Ghana, premier producteur d’or du continent, se distingue aussi dans cette tendance, avec l’émergence de potentiels producteurs locaux. 

Le mercredi 5 novembre, Blue Gold, société minière cotée au Nasdaq, a annoncé avoir sécurisé 140 millions USD pour relancer la mine d’or Bogoso-Prestea au Ghana. Ceci alors que l’actif est toujours au cœur d’un litige, après sa réattribution par Accra à la société locale Health GoldFields en 2024. Cette situation rappelle l’affaire Black Volta d’Engineers & Planners (E&P), soulignant la montée des acteurs locaux dans le secteur aurifère, sur fond de différends. 

Des champions nationaux qui se positionnent

Bogoso-Prestea est une ancienne mine d’or rachetée en 2024 par Blue Gold, qui y relève actuellement 5,1 millions d’onces de réserves. Alors qu’elle avait entrepris les premières démarches pour relancer les opérations sur le site, la société a vu son bail minier résilié en septembre 2024 par le ministère ghanéen des Terres et des Ressources. Cette mesure dont les contours restent encore flous, a précédé l’attribution du projet à Health GoldFields, qui en pilote actuellement la remise en service selon son site officiel. 

Blue Gold qui conteste toujours la décision des autorités ghanéennes, a lancé une procédure d’arbitrage international contre le pays. Pour l’heure, ni les autorités ni Health Goldfields n’ont commenté sa nouvelle annonce. Cette affaire n'est pas sans rappeler un autre litige opposant Azumah Resources, filiale de l’australien Ibaera Capital, au fournisseur ghanéen de services miniers E&P autour du projet aurifère Black Volta.

Ici, les deux parties étaient initialement liées par un accord dans le cadre duquel la première confiait le développement du projet à la seconde. Un partenariat qui a fait long feu, le contrat de la société dirigée par Ibrahim Mahama (frère du président John Mahama) finissant par être résilié, engendrant le litige et laissant en suspens le projet jusqu’en juillet dernier où Azumah annonçait avoir lancé la construction de la mine.

Quelques semaines plus tard, plusieurs rapports ont circulé dans la presse ghanéenne affirmant qu’E&P avait acquis Azumah et son portefeuille aurifère, dont Black Volta. 

La société australienne a rapidement démenti ces informations, indiquant n’avoir ni vendu le projet ni autorisé un quelconque transfert de propriété. Face à cette confusion, le ministre des Terres et des Ressources naturelles, Emmanuel Armah-Kofi Buah, avait invité les deux parties à un règlement à l’amiable, avant qu’E&P n’annonce en octobre avoir finalisé l’acquisition d’Azumah Resources pour 100 millions USD. Aucune confirmation de ce rachat n'est toutefois encore visible sur le site officiel d’Ibaera Capital

Une tendance régionale

E&P se positionne ainsi en défenseur des intérêts nationaux dans un secteur aurifère largement dominé par des sociétés étrangères comme Newmont (USA) et AngloGold Ashanti (Afrique du Sud). . Bien que différent de par son narratif, le cas Health GoldFields sur Bogoso-Prestea peut aussi soutenir cette dynamique, même si son issue reste incertaine. Ces développements s’inscrivent dans un contexte plus large de montée des politiques de contenu local en Afrique de l’Ouest. 

Au Mali par exemple, le nouveau Code minier de 2023 prévoit que les investisseurs locaux puissent obtenir 5 % d’intérêts dans les mines. Ce mouvement s’étend également à la Guinée qui a accordé en août dernier les droits d’exploitation d’une mine de bauxite à une nouvelle société publique baptisée Nimba Mining Company (NMC). Ceci après avoir retiré l'actif à Emirates Global Aluminium (EGA), après plusieurs mois de tensions.

Dans le cas ghanéen, les décisions de l’État restent à suivre de près, particulièrement dans l’affaire Bogoso-Prestea. Dans sa note, Blue Gold se dit prête à abandonner ses poursuites contre le gouvernement, « si le différend relatif au bail est résolu immédiatement ». Pendant ce temps, Health Goldfields poursuit les investissements en vue de la réouverture de la mine, indiquant même en septembre avoir reçu la visite du ministre Kofi Buah. 

De son côté, E&P n’a pas encore communiqué de calendrier pour le développement de Black Volta. Selon une étude de faisabilité publiée en 2020 par Azumah, cette future mine peut livrer en moyenne 163 000 onces d’or par an au cours de ses 5 premières années, pour un coût de construction estimé à 147 millions USD. 

Aurel Sèdjro Houenou

Edité par : Feriol Bewa

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