
Présenté comme une infrastructure pouvant assurer à terme l’exportation des productions congolaise et zambienne de cuivre, le corridor angolais de Lobito s’inscrit pleinement dans la stratégie d’approvisionnement américaine en minéraux critiques.
L’agence américaine International Development Finance Corporation (DFC) a signé un accord de prêt de 553 millions de dollars avec le consortium chargé de développer le corridor de Lobito. Cette décision de l’administration Trump concrétise une promesse de financement faite l’année dernière par l’ancien président Joe Biden (photo) et signale une fois de plus le caractère stratégique de cette infrastructure pour les États-Unis.
La cérémonie de signature a eu lieu mercredi 17 décembre, en présence des dirigeants de Trafigura et de Mota Engil, les deux principaux membres du consortium qui a obtenu la concession du corridor. Le ministre angolais du Transport, Ricardo D’Abreu, ainsi que le secrétaire d’État adjoint américain aux Affaires économiques, énergétiques et commerciales, Caleb Orr, étaient également présents. Notons que la banque de développement de l’Afrique du Sud (DBSA) fournit aussi un prêt de 200 millions de dollars pour le projet.
Le prêt de la DFC est destiné à financer la réhabilitation du port minéralier de Lobito et d’une ligne ferroviaire d’environ 1 300 kilomètres, afin de faciliter le transport des produits miniers congolais. L’objectif est de décupler la capacité de transport du corridor de Lobito, afin de la porter à 4,6 millions de tonnes par an, tout en réduisant de 30 % le coût du transport, a indiqué la DFC. Présenté comme une alternative plus rapide pour le transport de la production de cuivre et de cobalt de la RDC – 45 jours par la route contre environ 2 jours par le train – il constitue aussi un moyen pour Washington de peser sur la logistique de la chaîne d’approvisionnement africaine en minerais essentiels, largement dominée par la Chine.
Compétition sino-américaine
Washington soutient aussi l’extension du réseau jusqu’en RDC, avec l’émission par la DFC d’une lettre d’intention à Mota Engil pour financer la réhabilitation de la ligne ferroviaire Dilolo–Sakania. Avec un coût total estimé à plus d’un milliard de dollars, cette ligne inclut une extension jusqu’à la frontière zambienne, permettant à terme au corridor de Lobito d’attirer les volumes de cuivre des deux principaux producteurs africains.
Dans la compétition avec la Chine autour des minéraux critiques africains, les investissements annoncés par les États-Unis sont d’autant plus stratégiques à un moment où Pékin intensifie aussi son soutien à d’autres chaînes logistiques. En visite à Lusaka le mois dernier, le Premier ministre chinois Li Qiang a ainsi procédé à la signature d’un accord avec les gouvernements zambien et tanzanien, pour réhabiliter la ligne ferroviaire Tanzanie-Zambie (TAZARA). Un investissement de 1,4 milliard de dollars est prévu pour le tracé de 1 860 km reliant les mines de cuivre de la Zambie aux marchés internationaux à travers le port tanzanien de Dar es Salaam sur l’océan Indien.
Si cette compétition sino-américaine pour les minéraux critiques favorise ces investissements dans des infrastructures logistiques clés, d’autres défis se posent aux pays africains. À Lobito par exemple, l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) souligne des incertitudes autour de la viabilité du modèle économique du corridor, qui dépend pour le moment d’un seul opérateur minier (Ivanhoe Mines, compagnie contrôlée par des investisseurs chinois). Plus largement, ces investissements posent le risque d’une reproduction de schémas que le continent cherche à dépasser, en l’occurrence sa relégation au statut d’exportateur de minerais bruts et son absence sur d’autres aspects de la chaîne de valeur.
Emiliano Tossou
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