
Face aux aux contraintes croissantes sur le budget public, Kampala explore des solutions alternatives pour financer ses projets structurants. Comme de nombreux pays africains, l'Ouganda fait face à un durcissement des conditions de financement extérieur, marqué par la sélectivité accrue des investisseurs et un recul des prêts concessionnels traditionnellement mobilisés pour les infrastructures. Dans le même temps, les besoins d’investissement restent élevés, notamment dans le secteur pétrolier naissant, appelé à jouer un rôle central dans la diversification économique et la mobilisation de recettes publiques à moyen terme.
Le mardi 16 décembre, le ministre d’État ougandais aux Finances Henry Musasizi, a présenté au Parlement une demande d’autorisation pour que la société publique du pétrole (UNOC) contracte un emprunt de 2 milliards USD auprès de Vitol Bahrain E.C. Le financement serait réparti entre les projets propres à UNOC dans la chaîne de valeur pétrolière, soit 1,2 milliard USD, et des infrastructures routières nationales pour le reste. L’exécutif affirme que ce montage permettra d’accélérer la mise en œuvre de projets freinés par des contraintes budgétaires, tout en générant des revenus substantiels à moyen terme.
Techniquement, le prêt serait accordé pour une durée de 84 mois, incluant une période de grâce de 2 ans durant laquelle les intérêts s’accumulent sans remboursement du principal. UNOC constituerait l’emprunteur direct, mais le service de la dette serait soutenu par la capitalisation de la compagnie par l’État. Pour sécuriser l’opération, le gouvernement prévoit de canaliser les recettes pétrolières futures via des comptes dédiés, destinés à garantir le remboursement en cas de défaut.
Les fonds destinés à UNOC couvriront des actifs logistiques stratégiques comme le terminal de stockage de Kampala, l’extension du terminal de Jinja, l’acquisition de capacités de stockage au port de Mombasa, l’extension du pipeline de produits finis entre Eldoret et Kampala, ainsi que le financement de la première année de construction de la raffinerie ougandaise. À cela s’ajoute l’acquisition prévue de participations dans Kenya Pipeline Company, une entreprise publique spécialisée dans les infrastructures de transport de produits pétroliers au Kenya et dans les pays voisins.
Pour le gouvernement, cette approche répond à une double contrainte. D’une part, les sources traditionnelles de financement des infrastructures, notamment les prêts concessionnels et les levées sur les marchés internationaux, sont devenues plus coûteuses et plus sélectives. D’autre part, la transition énergétique mondiale et la pression environnementale réduisent l’appétit des investisseurs pour les projets pétroliers africains, comme l’a illustré la difficulté à lever des fonds pour l’oléoduc EACOP.
Dans ce contexte, Kampala cherche à mobiliser des partenaires commerciaux déjà engagés dans l’écosystème pétrolier national. Depuis juillet 2024, Vitol est l'unique fournisseur de produits pétroliers de l’Ouganda, dans le cadre d’un accord de fourniture avec UNOC. Selon le ministère des Finances, ce modèle a permis de stabiliser l’approvisionnement et les prix, tout en générant des revenus. Par ailleurs, l’exécutif soutient qu’une fois les projets opérationnels, UNOC pourrait générer jusqu’à 5,6 milliards USD de revenus cumulés, et que ce schéma réduira la pression sur le fonds consolidé de l’État. En pratique, l’objectif est de faire passer la société de la position d'opérateur encore dépendant du budget public, à celle d'acteur capable de financer sa croissance par ses propres flux.
Reste que ce montage, s’il permet de contourner les contraintes budgétaires immédiates, transfère une part significative du risque vers les revenus pétroliers futurs. Or, l’expérience internationale montre que les financements adossés aux ressources naturelles peuvent s’avérer sensibles lorsque les hypothèses de production, de prix ou de calendrier, ne se matérialisent pas comme prévu. La soutenabilité de l’opération dépendra donc moins de l’autorisation parlementaire que de la capacité d’UNOC à exécuter ses projets dans les délais, à maîtriser leurs coûts, et à sécuriser des flux commerciaux suffisants dans un environnement énergétique en mutation.
En outre, le recours à des comptes dédiés apporte un cadre de discipline financière, mais il réduit aussi la marge de manœuvre de l’État sur l’utilisation de recettes qui ne sont pas encore matérialisées.
Olivier de Souza
Edité par : Feriol Bewa
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