Libéria : Nestlé et d'autres grands chocolatiers évoqués dans une nouvelle alerte sur la déforestation

Publié le 13/12/2025

Le règlement européen sur la déforestation (EUDR) qui doit s'activer en 2026 s’annonce comme un casse-tête pour certains exportateurs de produits agricoles. Il préoccupe notamment en Afrique de l’Ouest, foyer de l’offre de cacao, où les pays producteurs peinent encore à se conformer aux exigences.

Plusieurs géants mondiaux du chocolat, dont Nestlé, Mondel?z, Mars, Hershey’s et Unilever, sont indirectement exposés à une nouvelle vague de déforestation associée à la culture du cacao au Libéria. C'est ce que révèle une enquête publiée en novembre 2025 par l’ONG internationale Global Witness, et intitulée «?Chocolate giants fuel deforestation in West Africa’s last rainforest?».

Le rapport met en cause le fait que ces chocolatiers utilisent un système d’approvisionnement opaque, qui permet à du cacao produit sur des terres récemment défrichées d’entrer dans leurs chaînes d’approvisionnement, via des négociants internationaux tels qu’ECOM, Touton, OFI (Olam) ou Cargill.

Le système du « mass balance »

Même si aucune de ces 5 entreprises ne s’approvisionne directement au Libéria, qui reste un acteur discret du cacao en Afrique de l’Ouest, Global Witness documente la manière dont elles utilisent toutes, à divers degrés, le système dit du « mass balance », un mode de certification très répandu dans le secteur. Celui-ci permet de mélanger du cacao traçable issu de plantations certifiées durables, et du cacao non certifié provenant de multiples origines, y compris de zones récemment déforestées.

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En conséquence, les chocolatiers peuvent afficher des volumes de cacao certifié «?durable?» sans pouvoir réellement garantir que les fèves utilisées dans leurs produits le sont. «?Le système de mass balance et de mélange rend impossible pour les entreprises chocolatières qui s’approvisionnent auprès d’ECOM, Touton et Cargill d’empêcher que du cacao issu de plantations libériennes déforestées n’entre dans leur chaîne d’approvisionnement.?», peut-on lire dans le rapport.

L’enquête souligne aussi qu’aucune exploitation libérienne n’est certifiée Rainforest Alliance, alors même que tous les négociants évoqués revendiquent l’usage de cette certification. Pour Global Witness, ce décalage met en lumière les limites des labels volontaires.

À l’approche de l’entrée en vigueur du règlement européen sur la déforestation importée, prévue en 2026, les marges de manœuvre des négociants risquent de se réduire. Cette évolution est susceptible de menacer la dynamique de croissance observée dans la filière libérienne, dont les exportations vers l’UE ont connu une progression notable ces 5 dernières années.

D’après les données de la Commission européenne, la valeur des importations de cacao et produits dérivés en provenance du Libéria a en effet presque triplé, passant de 25?millions d’euros en 2020 à 72?millions d’euros en 2024.

La problématique de la déforestation au Libéria

Selon Global Witness, les comtés de Bong, Nimba et Lofa, qui forment la «?ceinture cacaoyère?» du pays, ont perdu plus de 250?000 hectares de forêts entre 2021 et 2024, une superficie à peu près équivalente à celle du Luxembourg. Cette déforestation est fortement liée à l’expansion de nouvelles plantations, encouragée par la flambée mondiale des prix de la fève et l’arrivée de planteurs ivoiriens et burkinabè en quête de nouvelles terres.

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Il faut noter que la problématique de la déforestation associée à la cacaoculture au Libéria n’est pas nouvelle, et qu'elle est assez documentée. Dans un rapport paru un peu plus tôt en septembre 2025, l’ONG ivoirienne IDEF alertait déjà sur la poursuite de la déforestation massive au profit de cette filière dans le pays ouest-africain, en lien avec l’exode de producteurs de cacao de la Côte d’Ivoire vers cette destination.

Citant les données des services de la Liberia Land Authority, l’organisation indique par exemple que dans le seul comté du Grand Gedeh, la superficie de forêt primaire défrichée ou en cours de défrichement au profit du cacao est estimée à près de 500?000 hectares, depuis le début des arrivées massives d’immigrés en provenance de la Côte d’Ivoire en 2020.

Stéphanas Assocle

Edité par : Feriol Bewa

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