La justice kényane suspend le cadre de coopération sanitaire avec les États-Unis

Publié le 12/12/2025

La Haute Cour du Kenya suspend le cadre de coopération sanitaire signé la semaine dernière avec les États-Unis, pour protéger les données médicales et contrôler les fonds publics

La Haute Cour du Kenya a ordonné la suspension temporaire du Cadre de coopération en matière de santé, signé le 4 décembre 2025 à Washington par le Premier ministre Musalia Mudavadi et le secrétaire d’État américain Marco Rubio. Jusqu’à l’audience complète, toute opération impliquant le transfert, le partage ou la diffusion de données médicales, épidémiologiques ou personnelles sensibles est bloquée.

La décision fait suite aux recours déposés par la Fédération nationale des consommateurs (COFEK) et le sénateur Okiya Omtatah. Ils accusent l’accord de contrevenir à plusieurs textes nationaux, notamment la loi sur la protection des données et le règlement sur l’échange de données de santé numériques de 2025. La COFEK déplore l’absence de consultation des citoyens, détenteurs des données de santé, et estime que le protocole porte atteinte au droit constitutionnel à la vie privée.

Le sénateur Omtatah, lui, pointe les risques financiers : le texte oblige le Kenya à compléter le financement américain sans qu’une analyse indépendante de l’impact budgétaire n’ait été menée. La suppression des intermédiaires dans la gestion des fonds pourrait, selon lui, fragiliser encore davantage l’allocation et la transparence des dépenses publiques.

Sur le plan financier, l’accord prévoit que Washington mobilise jusqu’à 1,6 milliard de dollars sur cinq ans, tandis que Nairobi doit augmenter ses dépenses nationales de santé de 850 millions pour assumer une part croissante du financement au fur et à mesure que le soutien américain diminuera.

Le représentant du peuple critique également le fait que l’aide soit conditionnée à la mise en œuvre de réformes alignées sur les priorités américaines, un dispositif susceptible, selon eux, de favoriser des considérations géopolitiques au détriment de l’accès équitable aux soins.

Un accord emblématique de la nouvelle stratégie américaine en Afrique

Le protocole d’accord vise à renforcer le système de santé kényan et à soutenir des programmes comme la lutte contre le VIH/sida, la tuberculose, le paludisme, la polio, ainsi que la santé maternelle et infantile et la préparation aux épidémies. Il prévoit aussi le transfert progressif des médicaments et équipements médicaux financés par Washington, ainsi que l’intégration du personnel de santé soutenu par les États-Unis à la masse salariale publique du Kenya.

Washington présente ce texte comme le premier accord phare de la réorganisation de son aide étrangère sous l’administration Trump, qui fait de l’Afrique une priorité. Un accord similaire a d’ailleurs été conclu avec le Rwanda.

Le tribunal a demandé à la COFEK de transmettre la plainte et l’ordonnance aux parties concernées d’ici le 17 décembre 2025. Les défendeurs devront répondre d’ici le 16 janvier 2026, avant une audience de mention prévue le 12 février 2026.

L’issue de ce bras de fer dira si le cadre de coopération pourra entrer en vigueur tout en garantissant la protection des données et un contrôle strict des fonds publics.

Olivier de Souza

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