Les prix des billets d'avion devraient baisser de 40% dans l'espace CEDEAO en 2026

Publié le 12/12/2025

Dès janvier 2026, la CEDEAO supprimera les taxes non aéronautiques et réduira de 25 % les redevances passagers et de sécurité. Objectif : baisser le prix des billets, stimuler le trafic et aligner la région sur les standards internationaux, au prix d’un pari budgétaire et de défis pour aéroports et États.

La Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a annoncé, dans une communication datée du 9 décembre 2025, l’entrée en vigueur au 1er janvier 2026 d’une réforme majeure de la fiscalité du transport aérien dans l’espace communautaire. Tous les États membres supprimeront les taxes non directement liées au transport aérien et appliqueront une réduction de 25 % sur les redevances passagers et de sécurité.Selon les experts parlementaires de la CEDEAO, l’application stricte de l’Acte pourrait entraîner une baisse des prix des billets d’environ 40 % et stimuler la demande de 20 à 30 %.

Cette décision traduit l’engagement pris par les chefs d’État de la sous-région lors de leur sommet de décembre 2024, dans un contexte de critiques récurrentes sur le coût prohibitif des voyages aériens en Afrique de l’Ouest. Selon plusieurs études conjointes de la CEDEAO, de l’Union africaine, de l’Association des compagnies aériennes africaines (AFRAA) et de l’Association internationale du transport aérien (IATA), la sous-région figure parmi les plus chères au monde pour les déplacements aériens, en grande partie en raison d’une pression fiscale excessive.

Une réponse attendue à la surcharge fiscale

La réforme s’attaque à un déséquilibre bien identifié : dans certains pays ouest-africains, les taxes et redevances représentent jusqu’à 50 % du prix final d’un billet d’avion. L’application de l’Acte communautaire entraînera la suppression de prélèvements tels que la taxe de solidarité ou certaines redevances touristiques, ainsi qu’une baisse uniforme des redevances passagers et de sécurité.

Les écarts de coûts observés au sein même de la sous-région illustrent cette surcharge. À l’aéroport de Cotonou, les taxes sur un vol régional peuvent atteindre près de 93 000 FCFA, contre des montants compris entre 30 000 et 52 500 FCFA à Abidjan. Résultat : un billet intra-ouest-africain coûte souvent deux fois plus cher qu’un trajet de distance comparable dans d’autres régions du continent.

Pour la CEDEAO, ces niveaux de prix freinent la mobilité, limitent les échanges commerciaux, pénalisent le tourisme et affaiblissent la mise en œuvre du programme de libre circulation des personnes et des biens. Alors que l’Afrique du Nord concentre près de 40 % du trafic aérien africain, l’Afrique de l’Ouest n’en capte qu’une fraction, avec une seule liaison — Accra-Lagos — figurant parmi les dix routes intra-africaines les plus fréquentées.

Au-delà de la question tarifaire, la directive marque un alignement explicite sur les normes internationales de l’aviation civile. Elle rend enfin opérationnels les principes de l’article 15 de la Convention de Chicago de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), longtemps restés théoriques dans plusieurs pays de la zone.

Ce texte stipule notamment que les redevances perçues pour l’usage des aéroports, des infrastructures et des services de navigation aérienne ne doivent pas excéder le coût réel des services fournis. Autrement dit, ces redevances ne peuvent constituer une fiscalité déguisée ou une source de revenus budgétaires additionnels. Le principe d’équité dans l’application des règles de taxation est également réaffirmé.

Cette évolution devrait bénéficier aussi bien aux compagnies régionales — au premier rang desquelles Asky — qu’aux transporteurs internationaux opérant en Afrique de l’Ouest, notamment Air France-KLM, Turkish Airlines, Brussels Airlines ou Corsair, confrontés à la concurrence de hubs nord-africains et moyen-orientaux.

Pari sur le volume mais risques divers

Pour éviter que la réforme ne reste symbolique, la CEDEAO a prévu un Mécanisme régional de surveillance chargé de contrôler, pays par pays, la corrélation entre redevances et services rendus, ainsi que la répercussion effective des baisses de coûts sur les passagers. Sur le plan économique, les États acceptent une perte immédiate de recettes fiscales dans l’espoir d’un effet volume. 

Toutefois, la géographie politique de la réforme dessine un ciel ouest-africain potentiellement fragmenté. La mesure ne concernerait que les douze États membres actuels, à l’exclusion du Mali, du Burkina Faso et du Niger, regroupés au sein de l’Alliance des États du Sahel. Ce scénario pourrait renforcer l’attractivité des hubs côtiers engagés dans la réforme, au détriment des capitales sahéliennes, et créer un marché régional à deux vitesses.

Le succès de la réforme dépendra enfin de la capacité des acteurs à s’adapter. De nombreux aéroports de la sous-région, coûteux à exploiter, dépendent fortement des taxes aéronautiques pour financer leur fonctionnement. La suppression de cette manne crée un risque de tension budgétaire à court terme, obligeant les gestionnaires à accélérer leur transition vers un modèle fondé sur les revenus non aéronautiques (commerce, parkings, immobilier), à l’image des grands hubs internationaux.

La baisse des redevances de sécurité intervient également dans un contexte régional sensible, où l’augmentation attendue du trafic nécessitera des investissements supplémentaires en sûreté et en gestion des flux. Du côté des compagnies aériennes, si les taxes ont toujours été identifiées comme la principale cause des tarifs élevés, leur collecte constituait aussi une source de trésorerie temporaire. Elles devront désormais composer avec une structure de liquidité différente, tout en répercutant effectivement les réductions de coûts sur les prix des billets.

La CEDEAO a opté pour une mise en œuvre juridiquement contraignante mais flexible, laissant aux États membres le soin d’adapter leurs cadres législatifs nationaux. Une condition nécessaire pour transformer cette réforme en véritable levier de compétitivité et d’intégration économique régionale.

Idriss Linge