
Rio Tinto détient 80 % dans QIT Madagascar Minerals, sa filiale malgache qui exploite de l’ilménite. Ce produit est ensuite transformé dans une autre unité canadienne, qui fait partie des actifs que le groupe envisage de céder dans le cadre d’une restructuration.
Rio Tinto prévoit de dégager entre 5 et 10 milliards USD en réévaluant son portefeuille d’actifs, avec l’objectif de céder les activités jugées non stratégiques ou insuffisamment rentables. L’annonce faite la semaine dernière s’inscrit dans le cadre d’une restructuration engagée en août, mais dont les contours ne permettent pas encore de déterminer le rôle futur du projet d’ilménite piloté par le groupe australien à Madagascar.
Cette politique de cessions accompagne en effet un recentrage sur trois activités clés, en l’occurrence le fer, l’aluminium et le lithium d’un côté, puis le cuivre. Cette structure commerciale permettra à Rio Tinto « d'atteindre de nouveaux standards d'excellence opérationnelle et de création de valeur ». Plusieurs activités, y compris celles liées au titane, « seront transférées au portefeuille du directeur commercial pour un examen stratégique ». Or, le titane est obtenu grâce au traitement de l’ilménite que produit la compagnie sur son unité QIT Madagascar Minerals (QMM) près de Fort-Dauphin dans la région malgache d’Anosy.
Un actif stratégique et conflictuel à Madagascar
Depuis 2005 à Madagascar, Rio Tinto indique avoir investi plus de 1 milliard USD dans ses opérations, tout en consacrant plus de 100 millions USD au développement communautaire. Le groupe australien détient 80 % dans QMM, contre 20 % d’intérêts pour l’État malgache. Antananarivo et Rio Tinto ont signé en août 2023 un nouvel accord régissant l’opération. Il implique l’augmentation du taux de redevance versée par QMM à 2,5 % (contre 2 % auparavant), ainsi que le financement par Rio Tinto des travaux de réhabilitation de la route nationale 13.
Rio Tinto s’est aussi engagé à doubler sa contribution annuelle pour financer des programmes de développement au profit des communautés locales. Malgré ces engagements, la relation entre Rio Tinto et les communautés locales reste tendue, notamment à cause des inquiétudes sur l’impact environnemental de QMM. En 2024 par exemple, le cabinet d’avocats britannique Leigh Day a déposé une plainte contre le groupe australien au Royaume-Uni, au nom des villageois vivant à proximité de la mine.
Ces derniers accusent la société d’avoir contaminé les cours d’eau de la zone, des allégations qui ont déjà mené à des manifestations violentes en 2023 et que Rio Tinto a toujours niées.
Un marché et un climat politique difficiles
Alors que ces tensions persistent, la restructuration globale engagée par Rio Tinto redonne de l’importance à la question du futur de QMM. Lors de l’annonce de ce plan en août, les responsables locaux de la compagnie sur la Grande Île ont assuré au média local L’Express de Madagascar que cela n’entrainait aucun changement pour les activités de QMM. Contacté à ce propos par Agence Ecofin, après l’annonce de la cession prochaine de certains actifs, Rio Tinto n’a cependant pas réagi. Que l’avenir de cette unité de production d’ilménite s’inscrive à long terme avec Rio Tinto ou pas, plusieurs facteurs sont à surveiller, dont le contexte politique local.
Après le coup d’État mené en octobre 2025 contre le régime d’Andry Rajoelina, qui a signé l’accord avec Rio Tinto en 2023, le colonel Michael Randrianirina est le nouvel homme fort du pays. Son régime affirme vouloir « rétablir la confiance entre l’État, les investisseurs et la communauté », mais ne s’est pas encore prononcé sur d’éventuels changements chez QMM.
À ces incertitudes politiques s’ajoute un environnement de marché défavorable. Rio Tinto doit faire face au ralentissement de la demande mondiale sur le marché du dioxyde de titane, produit que le groupe australien obtient en transformant au Canada l’ilménite malgache. Dans son rapport du troisième trimestre 2025 publié en octobre dernier, Rio Tinto indique que la demande dans les principaux secteurs en aval du dioxyde de titane reste modérée.
Un constat partagé par des spécialistes du marché : « Nous pensons qu'il y a environ 18 mois de stocks dans le circuit, soit environ trois quarts de trop. Nous craignons donc, d'un point de vue plus général, que la demande ne recommence vraiment à augmenter qu'à l'été 2026 », estime à propos du métal Chris Olin, directeur général de Northcoast Research cité il y a deux mois par Argus, spécialiste des prix des matières premières.
Entre un marché morose et un climat politique instable, la décision finale du groupe pour QMM dépendra des résultats de la revue du directeur commercial.
Emiliano Tossou
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