Depuis 2022, le règlement européen sur la déforestation (EUDR) s’annonce comme un casse-tête pour certains exportateurs de produits agricoles vers ce marché. Le Nigeria entend profiter du report de son entrée en vigueur pour se mettre au pas.
Le ministère nigérian de l’Agriculture a dévoilé la semaine dernière une nouvelle stratégie nationale pour se conformer aux exigences européennes de lutte contre la déforestation. Dénommée « White Paper on Strategy for EUDR Compliance in Nigeria », la feuille de route prévoit la mise en place d’un système de traçabilité des produits agricoles appuyé par la National Space Research and Development Agency (NASRDA), afin d'assurer un suivi géospatial des exploitations et des chaînes d’approvisionnement.
Cette initiative marque la volonté d’Abuja de sécuriser l’accès de ses produits agricoles au marché du Vieux continent, alors que le Règlement européen sur la déforestation importée (EUDR), qui interdira l’importation de cacao, café, soja, huile de palme, bois et viande issus de terres déboisées, doit entrer pleinement en vigueur fin 2026. L’enjeu est d’autant plus stratégique que les exportations agroalimentaires nigérianes vers le marché commun européen enregistrent une progression continue ces dernières années.
Une croissance soutenue depuis 2020
Le Nigeria a plus que triplé ses exportations agroalimentaires vers l’Union européenne sur les cinq dernières années. Selon un rapport publié en avril 2025 par la Commission européenne, les achats de produits agroalimentaires réalisés par ce bloc économique chez le pays le plus peuplé d’Afrique ont atteint 1,68 milliard € en 2024, contre 477 millions € en 2020.
Sur la période considérée, les expéditions nigérianes ont évolué en affichant une croissance de 37,03 % en moyenne par an. La plus forte croissance d’une année à l’autre a été enregistrée en 2024, avec un bond de plus de 129 %, soit plus du double des recettes engrangées en 2023 (735 millions €).
Évolution des exportations agroalimentaires du Nigeria vers l’UE depuis 2020
Le cacao, pilier des exportations
Cette forte hausse repose quasi-entièrement sur une seule filière : le cacao. En 2024, les fèves et produits à base de cacao (pâte, beurre et chocolat) ont représenté près de 89 % des exportations agroalimentaires nigérianes vers l’UE, pour une valeur de 1,49 milliard €, contre 375 millions € en 2020. Cette progression remarquable reflète à la fois une augmentation des volumes expédiés, l’envolée des prix mondiaux du cacao et la demande soutenue de l’industrie chocolatière européenne.
Principaux produits agroalimentaires exportés par le Nigeria vers l’UE en 2024
À l’inverse, les autres postes d’exportation restent assez marginaux. Les oléagineux et légumineuses ont généré 79 millions € en 2024, tandis que les exportations de margarine et autres huiles végétales ont atteint 55 millions €. Les flux de fruits et noix, gommes et résines, préparations alimentaires et boissons progressent, mais demeurent chacun en dessous de 1 % du total.
Cette domination du cacao illustre la faible diversification du panier agroalimentaire nigérian à destination du marché européen. Les produits d’origine animale, les préparations transformées ou les produits à haute valeur ajoutée sont quasi absents des échanges actuels.
Globalement, la montée en puissance des exportations vers l’UE accentue l’urgence pour le Nigeria de se conformer à l’EUDR. La dépendance au cacao accentue la vulnérabilité du pays, d’autant plus que le bloc économique absorbe près de 60?% de la valeur des expéditions nigérianes de fèves, selon les données compilées sur la plateforme Trade Map.
Il faut noter que l’EUDR ne menace pas uniquement les filières agroalimentaires. Certaines filières agricoles non alimentaires, elles aussi sensibles à la déforestation, telles que le caoutchouc naturel et le bois pourraient aussi être touchées. Selon Trade Map, le Nigeria a engrangé pour près de 71 millions USD de recettes d’exportations de caoutchouc naturel sur le marché international en 2024, dont environ 46 % chez l'Union européenne. Il en est de même pour le bois, dont près de la moitié des recettes d’exportations sont générées avec l’UE.
Stéphanas Assocle
Edité par : Feriol Bewa
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