
Alors que le Soudan du Sud fait face à une dette pétrolière estimée à 2,3 milliards de dollars, la Haute Cour de Londres a autorisé le chargement d'un cargo de 600 000 barils qui était gelé à la demande de BB Energy, l’un des créanciers du plus jeune Etat du monde.
Le jeudi 27 novembre, la Haute Cour de Londres a mis fin à l’injonction qui empêchait le Soudan du Sud de charger un cargo de 600 000 barils de pétrole, offrant au pays un souffle temporaire alors que ses finances reposent presque entièrement sur le pétrole. La décision permet au brut d’être chargé et vendu, mais elle ne règle pas le différend financier qui oppose l’État à BB Energy, lequel réclame au total 188 millions de dollars pour un prépaiement non honoré.
L’affaire remonte à février 2024, lorsque BB Energy a avancé 100 millions de dollars au gouvernement sud-soudanais pour recevoir 5 cargaisons de pétrole. Selon les documents transmis au tribunal, aucune de ces cargaisons n’a été livrée au négociant. Les volumes ont été vendus à d’autres acheteurs, alors même que le trader affirme disposer d’un droit prioritaire sur ces livraisons.
C’est ce constat qui a poussé le juge Christopher Butcher, le 18 novembre, à geler en urgence une cargaison estimée à plus de vingt millions de dollars, jugeant que le gouvernement et Nilepet, la société publique sud-soudanaise du pétrole, ne semblaient pas en mesure d’honorer un éventuel jugement. Ce gel mondial visait à sécuriser un actif pétrolier précis que BB Energy considérait comme la seule garantie disponible.
Pour limiter l’impact sur un pays dont la situation économique reste extrêmement fragile, la cour avait toutefois exigé que BB Energy dépose une garantie bancaire de 25 millions de dollars afin de couvrir les coûts potentiels liés au blocage, comme le stockage ou la manutention du brut. Lors de l’audience de suivi, la cour a finalement estimé que l’injonction n’avait plus à être maintenue et a autorisé le chargement. Le brut pourrait être vendu à EuroAmerican Energy ou à Cathay International Petroleum, qui ont manifesté leur intérêt pour la cargaison.
BB Energy n’a pas contesté la levée de l’injonction, dès lors que sa réclamation plus vaste restait pleinement préservée.
Le ministère du Pétrole et Nilepet n’ont pas participé à la procédure ni répondu aux sollicitations, dans un contexte de transition interne liée à la nomination de nouveaux responsables. Cette absence de représentation judiciaire s’inscrit dans une série plus large de difficultés. En effet, plusieurs institutions financières ou négociants, dont Afreximbank ou Vitol, ont récemment engagé des actions pour récupérer des dettes pétrolières, avant parfois de conclure des arrangements. Les estimations disponibles situent l’encours global de ces dettes autour de 2,3 milliards de dollars.
La rapidité avec laquelle la cour a choisi de lever le blocage montre sa volonté de ne pas interrompre la principale source de revenus du pays, tout en reconnaissant la cohérence du dossier présenté par BB Energy. La procédure sur la créance de Juba se poursuivra, avec un procès prévu en 2026 si aucun accord n’intervient.
Olivier de Souza
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