
En 2024, l’américain Energy Fuels a repris le contrôle du projet Toliara à Madagascar. Avec son potentiel en sables minéraux mais aussi en terres rares, ce projet illustre la richesse du sous-sol malgache. Des ressources qui sont de plus en plus convoitées par des puissances étrangères.
La Chine avance discrètement ses pions auprès du nouveau pouvoir à Madagascar, afin de prendre part à l’exploitation des ressources minérales du pays. Reçu ce mercredi 26 novembre par le ministre des Mines Carl Andriamparany, l’ambassadeur chinois à Antananarivo, Ji Ping, a sollicité une collaboration « étroite » avec les autorités locales pour renforcer l’attractivité de la Grande île en matière d’investissement minier. Une demande qui survient alors que l’américain Energy Fuels tente depuis quelques mois de développer le projet de sables minéraux Toliara.
La Chine et Madagascar partagent déjà une coopération modeste dans le secteur minier, comprenant la signature d’un protocole d’accord relatif à des formations minières au sein de l’université d’Antananarivo. Le premier représentant de Pékin sur l’île souhaite approfondir ce partenariat, notamment dans le domaine de la cartographie minière. Selon le compte rendu publié à l’issue de la rencontre par le ministère des Mines, M. Ping a aussi « exprimé sa volonté d’encourager les investisseurs chinois de s'investir à Madagascar ».
Si rien de concret n’a été signé au cours de l’échange entre les deux personnalités, l’intérêt de la Chine intervient en pleine transition politique sur l’île. Le président démocratiquement élu, Andry Rajoelina, a été déposé en octobre par des militaires dirigés par le colonel Michaël Randrianirina. Le nouveau régime cherche à attirer des investisseurs pour développer un secteur minier malgache dont la contribution à l’économie reste relativement modeste (5 % du PIB en 2023) par rapport au potentiel du pays, particulièrement pour les minéraux essentiels à la transition énergétique.
Deuxième producteur africain de graphite, Madagascar exploite aussi du nickel, du cobalt et des terres rares, autant de ressources qui font l’objet d’une compétition intense entre puissances étrangères sur le continent. Déjà présentes dans l’exploitation de ces ressources dans plusieurs pays africains, dont la RDC pour le cobalt et le cuivre ou le Mali pour le lithium, les compagnies minières chinoises peuvent trouver à Madagascar un moyen supplémentaire de renforcer leur emprise sur les minéraux critiques africains. Cette domination est de plus en plus contestée par l’administration Trump qui, dans le sillage de sa guerre commerciale avec Pékin, cherche sur le continent des alliés pour réduire sa dépendance à la Chine.
Avec Energy Fuels, dont le projet Toliara peut livrer annuellement 21 800 tonnes de monazite (minerai contenant des terres rares) sur 38 ans, les Etats-Unis ont déjà une certaine longueur d’avance sur Pékin. Alors que la compagnie américaine prévoit une décision finale d’investissement pour ce projet en 2026, afin de lancer l’exploitation du site en 2028, elle doit encore sécuriser l’approbation des autorités.
Le développement de Toliara s’est déjà retrouvé bloqué entre 2019 et 2024, en partie à cause de contestations sociales liées à l’impact environnemental. Fin 2024, Energy Fuels a signé un protocole d’accord avec le régime du président déchu Rajoelina, prévoyant entre autres 80 millions USD d’investissements communautaires. L’avenir de ce partenariat naissant entre la compagnie américaine et Madagascar dépend désormais du bon vouloir des nouvelles autorités malgaches, au moment où Pékin pointe son nez.
Emiliano Tossou
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