La demande africaine en data centers devrait au moins tripler d’ici 2030, selon McKinsey

Publié le 26/11/2025

Si elle dispose actuellement de moins de 1 % des capacités mondiales de data centers, l’Afrique représente un important gisement d’opportunités. Pour en profiter, les acteurs du secteur doivent relever plusieurs défis liés à l'approvisionnement en énergie et à la disponibilité des infrastructures de connectivité.

La demande en data centers en Afrique devrait augmenter de 3,5 à 5,5 fois par rapport à son niveau actuel d’ici 2030, notamment grâce à l’accélération des programmes de numérisation des secteurs public et privé, et à l’adoption croissante de technologies gourmandes en données telles que l’intelligence artificielle et le cloud computing. C'est ce qu'indique un rapport publié le lundi 24 novembre par le cabinet de conseil en stratégie McKinsey & Company.

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Intitulé « Building data centers for Africa's unique market dynamics », le rapport précise que les capacités des centres de données sur le continent devraient ainsi passer d’environ 0,4 gigawatt actuellement à 1,5 à 2,2 gigawatts à la fin de la décennie en cours. Cette croissance devrait nécessiter entre 10 et 20 milliards USD de nouveaux investissements, et générer un chiffre d'affaires estimé à entre 20 et 30 milliards USD sur l'ensemble de la chaîne de valeur d'ici 2030. Cela d’autant plus que l’Afrique partira d’une base très modeste.

Les capacités des data centers déjà actifs sur ses cinq principaux marchés en la matière (Égypte, Kenya, Maroc, Nigeria et Afrique du Sud) restent largement inférieures à celles de la seule France, qui disposait de plusieurs centres de données cumulant environ 800 mégawatts (0,8 GW)  de capacités en 2024. Cet écart met en évidence à la fois l'ampleur du défi et l'importance du potentiel inexploité.

Un des principaux facteurs qui façonneront la courbe de la demande est l’intégration croissante de l'IA dans plusieurs secteurs. Alors qu’environ 40 % des entreprises africaines déclarent déjà expérimenter cette technologie, un déploiement plus large pourrait générer entre 60 et 100 milliards USD de valeur, en particulier dans les domaines de la vente au détail, des télécommunications, des biens de consommation, de la banque et des mines.

La demande en data centers sera également tirée par le succès potentiel des programmes de numérisation menés par les gouvernements. De nombreux pays africains déploient des efforts pour transformer les processus manuels et les usages de données en équivalents digitaux, ce qui entraîne un important besoin en capacités locales de stockage de données, de puissance de calcul et de mise en réseau.

A titre d’exemple, l'initiative « Digital Economy for Africa » (DE4A) de la Banque mondiale a lancé depuis 2019 environ 70 projets de numérisation dans 37 pays, ciblant l’identité numérique, les services administratifs en ligne et l'interopérabilité. Des efforts similaires visant à développer des services administratifs numériques, tels que le portail eCitizen qui compte déjà 13,5 millions d'utilisateurs au Kenya, gagnent également du terrain. 

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L’accélération de la migration vers le cloud computing sera aussi un puissant moteur de la croissance attendue des centres de données. Les grandes entreprises africaines prévoient une augmentation de plus de 18 points de pourcentage de leurs charges de travail dans le cloud d’ici la fin de la décennie. Combinée à la pénétration croissante des smartphones et à la taille de la population africaine majoritairement jeune et férue de nouvelles technologies, cette tendance stimule une demande constante en matière de calcul, de stockage et de connectivité.

L'adoption du cloud computing devrait être tirée par les domaines des technologies, des médias et des télécommunications, où environ 83 % des charges de travail sont déjà dans le cloud et où le rythme de refonte vers des architectures « cloud natives » est le plus élevé. Il existe aussi une importante marge de progression dans le secteur des services financiers, dont environ 56 % des charges de travail sont actuellement dans le cloud.

Petit, modulaire et progressif : le modèle gagnant en Afrique

Alors que la demande en capacités de centres de données reste fragmentée entre les pays, le modèle efficient en Afrique est un data center de colocation, petit, modulaire et progressif. Cela se traduira selon le rapport par une concentration plus élevée des capacités dans les gammes petite et moyenne d'ici 2030. Contrairement au reste du monde où les deux tiers des nouveaux centres de données présenteront de grandes capacités allant de 50 à 500 MW, les deux tiers de ceux prévus en Afrique seront de petite (1 à 20 MW) et moyenne capacité (20 à 50 MW).

Le document note par ailleurs que les acteurs qui s’engageront sur le marché africain devront surmonter des défis liés à l'approvisionnement en énergie, aux infrastructures de connectivité et aux financements. Sur le volet énergétique, les entreprises devront combiner des contrats d'achat d’électricité connectés au réseau des compagnies publiques, des contrats avec des producteurs d'électricité indépendants, et la production de leurs propres besoins.

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Une connectivité robuste, tant sous-marine que terrestre, reste aussi un défi majeur sur de nombreux marchés africains. Bien que le continent soit désormais desservi par environ 75 câbles sous-marins, ceux-ci ont tendance à être répartis de manière inégale. De nombreux marchés restent sous-équipés en fibre optique terrestre ou dépendent de liaisons micro-ondes, ce qui limite les capacités et augmente la latence.

En ce qui concerne le financement, les acteurs du secteur pourraient avoir des difficultés à mobiliser des capitaux sur plusieurs marchés africains, pense McKinsey, en raison du manque de locataires clés et des taux d’utilisation inférieurs à ceux des autres régions du monde.

Walid Kéfi

Edité par : Feriol Bewa

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