Le vol de bétail, facteur d’instabilité sous-estimé en Afrique de l’Ouest et du Centre (rapport)

Publié le 20/11/2025

En Afrique de l’Ouest et du Centre, l’élevage est l’une des principales sources de revenus et d’emplois. Le secteur est affecté par plusieurs défis structurels comme le changement climatique, les conflits pour l’accès aux ressources et l’insécurité chronique liée au terrorisme. 

Le vol de bétail joue un rôle majeur dans l’insécurité et l’instabilité en Afrique de l’Ouest et dans certaines parties de l’Afrique centrale, aux côtés du commerce illicite d’armes et d’or, ainsi que des enlèvements.

C’est ce que révèle l’Initiative mondiale contre la criminalité organisée transnationale (The Global Initiative Against Transnational Organized Crime-GI-TOC) dans un rapport publié en octobre.

D’après le document, ce fléau sévit dans près du quart de l’ensemble des plaques tournantes illicites de la région et est fréquent dans les deux tiers des 23 plaques tournantes qui alimentent le plus l’instabilité dans la région.

Dans les détails, les auteurs indiquent que le vol de bétail est une arme prisée par plusieurs organisations extrémistes violentes (OEV) comme le Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin (JNIM) pour se financer avec les ventes réalisées au niveau de la zone trifrontalière entre le Burkina Faso, le Ghana et la Côte d’Ivoire.

« […]  Des milliers de têtes de bétail, volées dans des points chauds du conflit au centre du Mali ou au nord du Burkina Faso, sont transportées à travers cette zone pour être vendues sur les marchés de Côte d’Ivoire et du Ghana par des intermédiaires. Ce système permet au JNIM d’exploiter les principaux marchés de bétail de ces États côtiers », souligne le rapport.

Comme le JNIM, la Jama’tu Ahlis Sunna Lidda’awati wal-Jihad (JAS), une des factions du groupe Boko Haram, tire également profit du blanchiment de bétail qui lui fournit une source de revenus stables.

« Maiduguri, la plus grande ville du nord-est du Nigéria, accueille un important marché régional du bétail fréquenté par des commerçants du Cameroun, du Tchad et du Niger, où le bétail volé par les membres du JAS est vendu par des intermédiaires », expliquent les auteurs.

Au-delà des OEV, ceux-ci estiment que le pillage du bétail est aussi l’apanage de plusieurs groupes affiliés aux États dans la région du Sahel.

« Au Burkina Faso, en particulier dans les régions du sud-ouest, les VDP [Volontaires pour la défense de la patrie, Ndlr] sont devenus des acteurs incontournables du vol de bétail depuis 2024. Leur présence croissante en Côte d’Ivoire voisine, dans la région du Bounkani, va au-delà du vol de bétail et inclut la coercition et des activités déstabilisatrices plus larges, ce qui soulève des inquiétudes face à la propagation de la violence et à l’autonomie croissante de ces acteurs », indiquent les analystes.

Face à l’essor du vol de bétail et au rôle central de l’économie pastorale dans la poursuite des conflits à travers le Sahel et dans les États côtiers d’Afrique de l’Ouest, le rapport appelle les décideurs publics à prendre la mesure des enjeux.

« Il convient d’éviter de fermer les marchés aux bestiaux en réponse aux liens avérés avec le financement des groupes armés ; il faudrait plutôt renforcer la réglementation afin d’atténuer le risque que du bétail volé soit vendu sur ces marchés. La construction de marchés aux bestiaux officiels dans les zones rurales peut être un moyen d’attirer davantage de transactions sur le marché officiel et de faciliter la réglementation de ce commerce. La coopération entre les États, les acteurs de l’économie pastorale et les communautés locales est essentielle pour mieux réglementer le secteur de l’élevage et rompre ses liens avec les conflits », préconisent les auteurs.

Pour rappel, l’élevage contribue à hauteur de 10 à 15 % dans le PIB des pays sahéliens et plus de 80 millions de personnes vivent du pastoralisme en Afrique de l’Ouest.  

Espoir Olodo