
Le Nigeria a suspendu la taxe de 15 % sur les importations d’essence et de diesel prévue pour décembre, afin d’éviter une pénurie durant les fêtes, illustrant le difficile équilibre du gouvernement Tinubu entre soutien à la production locale et stabilité des prix.
Le gouvernement nigérian vient d’annoncer la suspension de la mise en œuvre d’un droit d’importation de 15 % sur l’essence et le diesel, initialement prévu pour décembre 2025. La mesure, approuvée par le président Bola Ahmed Tinubu dans le cadre de sa réforme fiscale, visait à stimuler les recettes non pétrolières et à soutenir la production locale. Mais face aux alertes des distributeurs et à la crainte d’une pénurie durant les fêtes de fin d’année, l’Autorité nigériane de régulation du secteur pétrolier aval et intermédiaire (NMDPRA) a décidé de faire marche arrière.
Cette taxe devait renchérir le prix des importations, réduisant mécaniquement la dépendance du Nigeria aux carburants venus de l’étranger, au profit des productions locales, notamment celle de la raffinerie de Dangote Group.
The Federal government has suspended the implementation of the proposed 15% import tax on petrol and diesel. pic.twitter.com/XS0mFQXKNA
— Imran Muhammad (@Imranmuhdz) November 13, 2025
Mais les distributeurs de produits pétroliers ont dénoncé une mesure « précipitée », susceptible de restreindre les importations et de faire du marché intérieur un quasi-monopole dominé par l’usine du milliardaire. Dans son communiqué, la NMDPRA a rassuré sur la disponibilité des stocks et mis en garde contre toute flambée spéculative des prix ou achats de panique, tout en assurant un suivi renforcé de l’approvisionnement pendant la période de forte demande.
Cette volte-face illustre les contradictions d’une économie pétrolière qui peine à s’affranchir de ses fragilités structurelles. Premier producteur de brut d’Afrique, le Nigeria importe toujours la majorité de ses produits raffinés. Après des décennies de dépenses publiques, notamment plus de 25 milliards de dollars pour relancer ses raffineries publiques, aucune ne fonctionne réellement. La compagnie publique du pétrole (NNPC) cherche désormais à attirer des partenaires techniques et financiers étrangers pour relancer ces unités, alors que la raffinerie d’Aliko Dangote s’impose comme la seule alternative crédible.
L’introduction de la taxe visait donc à « protéger la capacité locale de raffinage et stabiliser le marché », selon le gouvernement. Mais dans un pays frappé par une inflation supérieure à 18 % en septembre 2025, l’exécutif ne pouvait se permettre une nouvelle flambée des prix à la pompe ni une contestation sociale à la veille des fêtes.
La suspension de la taxe offre un répit temporaire, mais ne résout rien sur le fond. Le Nigeria reste dépendant des importations de carburants, exposé à la volatilité internationale et aux risques de rupture d’approvisionnement.
À moyen terme, la relance des raffineries publiques, si elle aboutit, pourrait rééquilibrer le marché intérieur et faire du pays un exportateur net de produits raffinés. Mais à court terme, l’administration Tinubu devra arbitrer entre deux impératifs contradictoires, à savoir soutenir Dangote et la production locale, ou préserver la stabilité des prix pour une population déjà fragilisée par la fin des subventions et la dépréciation du naira.
Olivier de Souza
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