
Le Ghana est le deuxième producteur mondial de fèves de cacao après la Côte d’Ivoire. En dépit d’une capacité de transformation non négligeable déjà installée dans le pays, la majeure partie de la récolte est exportée sous forme brute, limitant la création de valeur ajoutée dans la filière.
Lors de la deuxième édition du Global Gateway Forum à Bruxelles (les 9 et 10 octobre derniers), la vice-présidente du Ghana, Naana Jane Opoku-Agyemang (photo), a réaffirmé l’ambition de son gouvernement d’accroître la transformation du cacao. Cette sortie qui soulève toutefois des questions quant aux moyens concrets qui seront déployés pour surmonter les obstacles fréquemment mentionnés.
L’accès au financement et la disponibilité de la matière première
L’accès au financement, déjà difficile pour les acteurs des filières agricoles, l’est encore plus dans le secteur du cacao au Ghana. Selon plusieurs observateurs, les banques commerciales se montrent réticentes à accorder de nouveaux crédits, y compris aux industriels, en raison de leur forte exposition à la filière. Cette prudence accentue les difficultés des transformateurs locaux, confrontés à des coûts d’emprunt élevés et à un accès restreint au capital.
En effet, le Conseil du cacao (Cocobod), régulateur de la filière, a accumulé environ 32,5 milliards de cedis de dettes (près de 2,7 milliards $) en 2025. Dans la 9e édition du rapport « Economic update » de la Banque mondiale sur le Ghana, publié en juin dernier, l’institution de Bretton Woods estimait que l’instabilité financière du Cocobod et ses opérations quasi fiscales représentent un risque budgétaire majeur. « Malgré les prix élevés du marché, la faible production de cacao et les arriérés substantiels envers les fournisseurs exacerbent les défis financiers du secteur », soulignait alors le rapport.
Par ailleurs, la disponibilité en quantité suffisante de la matière première est indispensable pour faire fonctionner les unités de transformation dont dispose le pays à plein régime. D’après le Département américain de l’Agriculture (USDA), les capacités de transformation de cacao installées au Ghana peuvent permettre de traiter 504 780 tonnes de cacao. Cependant moins de 50 % de ces capacités sont exploitées.
À titre d’exemple, le volume de broyage domestique réalisé par les industriels était de 210 000 tonnes au cours des deux dernières campagnes. Pour expliquer ce paradoxe, l’USDA met en avant l’offre insuffisante de cacao liée à la réduction de la superficie des vergers et aux conditions climatiques peu favorables sur les dernières années.
Selon le Cocobod, environ 500 000 hectares de vergers de cacaoyers ne sont plus productifs au Ghana en raison de l’effet combiné de l’expansion de l’orpaillage illégal, du vieillissement de certains cacaoyers et de la prolifération de la maladie virale du cacaoyer (Swollen Shoot). Globalement, la production de cacao au Ghana a chuté de 40 %, passant de 1 million de tonnes en 2020/2021 à 600 000 tonnes en 2024/2025.
Pour la nouvelle campagne 2025/2026 en cours, le Cocobod table sur une récolte de 650 000 tonnes. Dans le pays où entre 70 et 80 % de la récolte est engagée dans des contrats à terme, les prévisions de production pour la nouvelle campagne suggèrent que les industriels devraient encore fonctionner en sous-capacité.
Escalade tarifaire
D’un autre côté, la configuration actuelle du marché mondial encourage les expéditions de la matière première sous forme brute et désavantage les expéditions de cacao transformé. Dans une démarche protectionniste, l’Union européenne, principal débouché pour la filière ghanéenne, impose des taxes nulles sur les importations de fèves de cacao tandis que la pâte de cacao peut être imposée à près de 9,6 % et le chocolat fini jusqu’à 25 % en droits standards sur son marché.
Le flux des exportations révèle d’ailleurs une forte dépendance de l’industrie ghanéenne à la commercialisation de fèves de cacao non transformées. Les données compilées sur la plateforme Trade Map indiquent en effet que la filière ghanéenne a engrangé près de 2,9 milliards $ de recettes d’exportation en 2024, dont 55 % proviennent des fèves de cacao, 24 % de la pâte de cacao, 14 % du beurre de cacao, environ 4 % de la poudre de cacao et moins de 1 % de chocolat.
Surmonter les obstacles
Face à ces défis, le Ghana est en quête de solutions. La sortie de la vice-présidente suggère une prise de conscience des obstacles à surmonter pour concrétiser les plans d’industrialisation. Pour la question du financement, Mme Opoku-Agyemang a indiqué que le pays mise sur un renforcement des partenariats établis avec l’Union européenne. « J’ai plaidé en faveur de modèles structurés de financement mixte, combinant investissement en capital, fonds de roulement abordables, mécanismes de partage des risques et appui technique, en particulier pour les petits transformateurs et les opérateurs ruraux. L’Initiative européenne pour un cacao durable et le cadre Global Gateway sont bien positionnés pour concrétiser de tels partenariats », a-t-elle déclaré. Elle a également exhorté les partenaires mondiaux à revoir les hausses tarifaires qui pénalisent les exportations de cacao transformé.
En ce qui concerne l’offre insuffisante de cacao pour alimenter les unités de transformation locales, les autorités ghanéennes ont déjà lancé plusieurs plans d’action pour redresser la production nationale. Parmi les initiatives récentes, l’annonce en juin dernier de l’acquisition prévue de 200 000 hectares de terres agricoles au profit du Cocobod vise à développer de nouvelles plantations industrielles. L’objectif est de compléter les activités des petits exploitants existants et d’augmenter l’offre de cacao sur le marché intérieur.
A ce stade, il est difficile de déterminer comment ces initiatives se traduiront concrètement dans le renforcement et la transformation de l’industrie locale. Une approche coordonnée ou une feuille de route claire sera nécessaire pour évaluer pleinement leur impact sur la filière cacao ghanéenne.
Stéphanas Assocle
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