Pour sa première participation à la Climate Week de New York, l’Agence gabonaise de développement (AGADEV) a porté la voix du Gabon en matière de finance verte et d’initiatives climatiques souveraines. Sa directrice, Cyrielle Sende, détaille la mission de l’institution et ses ambitions pour accélérer la transition écologique et économique du pays.
Agence Ecofin : Quelle est en quelques mots la mission de l’Agence Gabonaise de Développement et le but de sa participation au Climate Summit de New York ?
Cyrielle Sende : L’AGADEV a été créée par décret présidentiel adopté en conseil des ministres le 22 janvier dernier dans le cadre du lancement de l’Initiative Carbone Souveraine du Gabon. Sa mission est d’accompagner la transition du Gabon vers une économie verte, durable et inclusive. L’agence se concentre en particulier sur la mobilisation des financements innovants et la valorisation du capital naturel du pays, entre autres en transformant les attentes des investisseurs en opportunités concrètes, en fédérant nos PME et en bâtissant un cadre solide pour la finance verte au Gabon.
Lors du Climate Summit de New York, l’AGADEV a promu le leadership climatique du Gabon, et l’Initiative Carbone Souveraine récemment lancée et a renforcé les partenariats internationaux pour accélérer la mise en œuvre des solutions basées sur la nature et le financement climat.
Agence Ecofin : Concrètement, comment choisissez-vous les projets qui bénéficieront des fonds carbone souverains ? Quels critères doivent-ils remplir pour être retenus ?
Cyrielle Sende : L’AGADEV a pour mandat d’allouer les fonds issus des contributions carbone des opérateurs maritimes et aériens à des projets d’adaptation climatique au bénéfice des populations les plus vulnérables, en cohérence avec les Objectifs de Développement Durable définis par les Nations Unies. Elle mène ainsi des initiatives de préservation et de restauration écologique ou de transition énergétique.
Nous appuyons en particulier le développement de la troisième transformation locale du bois et la valorisation des rebuts sur toute la chaîne de valeur ; les projets de bioéconomie et d’écotourisme, deux secteurs porteurs d’emplois et d’innovation, ainsi que le financement de laboratoires modernes.
Agence Ecofin : Beaucoup d’acteurs privés hésitent encore à investir dans les projets verts en Afrique. Que fait l’AGADEV pour rassurer les investisseurs et garantir la traçabilité des financements reçus ?
Cyrielle Sende : De nombreux acteurs privés souhaitent investir dans des projets environnementaux ou de développement vert en Afrique, mais se heurtent souvent à l’absence de relais locaux, de soutien institutionnel et de garanties quant à l’utilisation des fonds ou à la pérennité des projets financés. Le rôle de l’AGADEV est précisément de lever ces obstacles en sécurisant les investissements internationaux au Gabon : assurer la collaboration avec le secteur public, simplifier les démarches administratives, orienter et suivre l’utilisation des fonds, et structurer des co-investissements publics à partir des revenus des contributions carbone.
Agence Ecofin : Depuis votre lancement, pouvez-vous nous citer un ou deux projets déjà financés par l’AGADEV, et quels impacts mesurables ils ont généré pour les communautés ou l’économie locale ?
Cyrielle Sende : L’AGADEV a récemment entamé la collecte des revenus issus des contributions carbone des opérateurs maritimes et aériens et procède actuellement à la sélection de projets, avec une priorité accordée à la préservation de la biodiversité. Parallèlement, nous développons des partenariats stratégiques avec des acteurs internationaux afin de co-construire et structurer des programmes d’envergure.
Agence Ecofin : Qu’est-ce que l’économie verte change déjà, ou va changer, dans la vie quotidienne des Gabonais : emploi, énergie, environnement ?
Cyrielle Sende : L’économie verte créera de nouvelles opportunités d’emplois durables, favorisera l’accès à une énergie plus propre et renforcera la protection de notre environnement, améliorant ainsi directement la qualité de vie des Gabonais. De quoi générer des recettes prévisibles et diversifiées, moins dépendantes des hydrocarbures. L’économie verte soutient également les communautés locales grâce à des projets de développement inclusifs et résilients et prépare le pays à une croissance économique plus compétitive et respectueuse du climat.
Agence Ecofin : Le Gabon est présenté comme pionnier en Afrique avec son Initiative Carbone Souveraine. Comment travaillez-vous avec d’autres pays du continent pour partager vos outils et faire émerger une dynamique collective ?
Cyrielle Sende : Le Gabon est en effet pionnier avec son Initiative, et ouvre la voie au reste du continent avec un modèle de financement innovant et souverain, mais conforme aux standards internationaux. Le Gabon partage à d’autres pays africains son expertise et ses enseignements. Par le biais de l’AGADEV, nous travaillons à renforcer une coopération active au sein de plateformes régionales et internationales. Cette démarche vise à créer une dynamique continentale forte, à renforcer la souveraineté climatique de l’Afrique et à mobiliser des financements verts à une échelle inédite au service du développement durable du continent. Lors du 2e Africa Climate Summit le mois dernier à Addis Abeba, l’Union Africaine a d’ailleurs formellement appelé à étendre les initiatives carbone souveraines à l’ensemble du continent, comme outil de justice climatique.