
La demande de produits alimentaires en Afrique de l’Ouest devrait atteindre 480 milliards $ d’ici 2030 contre 126 milliards en 2010. Pour satisfaire cette consommation grandissante, le commerce intrarégional sera en première ligne.
En Afrique de l’Ouest, l’ambition des gouvernements de parvenir à la souveraineté alimentaire doit prendre en compte l’importance croissante du commerce régional. C’est ce qu’a confié à l'Agence Ecofin, Philipp Heinrigs (photo), chef de division Alimentation, Urbanisation et Villes du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest de l’Organisation de coopération et de développement économiques (CSAO/OCDE).
Si dans la région, la valeur réelle des échanges agricoles approcherait les 10 milliards $ par an, soit 6 fois plus que ce qui est estimé officiellement, le responsable souligne que les flux transfrontaliers jouent également un rôle important dans la sécurité alimentaire.
Grâce aux réseaux marchands bien organisés qui englobent des acteurs comme les collecteurs, les grossistes ou les transporteurs, une grande diversité de produits comme la viande, les huiles, les légumes, les fruits ou encore les condiments peuvent circuler entre les pays affichant des surplus et les nations déficitaires en dépit des multiples tracasseries routières.
« Le commerce régional est un pilier de la souveraineté alimentaire en Afrique de l’Ouest. Il y a d’énormes complémentarités entre les pays sahéliens et côtiers notamment au niveau de certains produits comme le bétail ou les fruits et légumes. Il ne s’agit pas que de l’informel et de petits commerçants comme on peut le croire. Ce sont des filières compétitives sur lesquelles il faut miser et investir pour diversifier le panier alimentaire au-delà des céréales qui représentent seulement 22 % des dépenses des ménages, mais qui concentrent beaucoup l’attention des politiques parce qu'elles sont essentiellement importées du marché mondial », explique-t-il.
Dans un tel contexte, M. Heinrigs estime que les politiques nationales de souveraineté alimentaire doivent désormais intégrer ces différentes dimensions du commerce intrarégional qui est en plein boom.
« Aujourd’hui, si on écarte le cacao et la noix de cajou, 60 % des exportations agricoles des pays d’Afrique de l’Ouest se font au sein de la région. Si on prend en compte le commerce agricole total, la région pèse pour 35 %. C’est un chiffre qui est 2,5 à 4 fois plus élevé que ce qui est véhiculé dans toutes les publications », conclut-il.
Pour rappel, selon l’OCDE, près de 95 % des échanges de racines et tubercules (manioc, igname), 72 % des légumes, 62 % des fruits et plus de la moitié des protéines animales en Afrique de l’Ouest ne sont pas pris en compte dans les statistiques.
Espoir Olodo