
Le débat sur le contenu local dans le secteur minier prend ces dernières années de l’ampleur dans plusieurs pays d’Afrique. Parmi les principaux freins à l’émergence de poids lourds nationaux, les experts citent l’accès au financement, un problème que l’Afrique du Sud tente de résoudre.
Le ministère sud-africain des Ressources minérales et pétrolières a ouvert le mardi 30 septembre la 2e édition de son programme de financement destiné aux juniors minières. Avec son Junior Mining Exploration Fund (JMEF), la nation arc-en-ciel explore une solution à l’un des plus grands obstacles à l’émergence de champions miniers africains.
« La différence entre une junior minière australienne et une SARL malienne disposant toutes les deux d’un permis de recherche aurifère au Mali n’est pas le savoir-faire technique ou les compétences géologiques, mais simplement l’accès au financement » affirmait en 2022 l’avocat parisien Charles Bourgeois, dans une interview accordée à l’Agence Ecofin.
Lors de la 1re édition en 2024, huit sociétés ont reçu 160 millions de rands (environ 9,2 millions USD). Pour être éligibles, les juniors doivent détenir au moins un permis d’exploration valide, ne pas être cotées en bourse et être contrôlées à 51% ou plus par des personnes issues des communautés noires, historiquement marginalisées.
Cette année, l’enveloppe a été portée à 240 millions de rands, couvrant dix minéraux stratégiques dont le lithium, le cuivre et l’or. Les financements sont accordés sous forme de subventions, mais le fonds peut aussi entrer au capital des sociétés à jusqu’à 49% si un gisement viable est découvert.
L’expérience sud-africaine prend un relief particulier face aux débats actuels en Afrique de l’Ouest sur le contenu local. Alors que M. Bourgeois estime que seul le marché boursier de Johannesburg dispose actuellement de l’environnement permettant à des juniors minières africaines de lever des fonds, le Dr. Ahamadou Mohamed Maiga plaide pour un meilleur accompagnement des États. Dans une interview avec l’Agence Ecofin en 2025, il recommande aux gouvernants d’investir directement dans les sociétés locales actives dans le secteur.
« Cela passe notamment par la mobilisation des ressources nationales existantes, à commencer par les caisses de dépôt et de consignation qui détiennent des milliards de francs CFA souvent sous-utilisés. Ces structures pourraient devenir de véritables bailleurs de fonds pour les entreprises locales, en finançant des projets miniers portés par des entrepreneurs nationaux » explique le chercheur, qui dirige le cabinet de conseil Corexis spécialisé dans les industries extractives.
Si l’expérience sud-africaine montre que ce soutien étatique est possible, il faut souligner que les montants engagés jusqu'ici restent assez modestes. A titre comparatif, les compagnies minières présentes en Afrique ont par exemple investi 1,3 milliard USD dans l’exploration en 2024 selon S&P Global Market Intelligence. Sur les marchés australiens et canadiens, une seule junior active sur le continent lève en une seule opération autant que le montant annoncé cette année pour le JMEF.
Emiliano Tossou
Edité par : Feriol Bewa
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