Des géants de l’agroalimentaire appellent l’UE à ne pas repousser sa loi anti-déforestation

Publié le 04/10/2025

En 2023, l’UE adoptait une législation visant à limiter l'impact de la demande européenne sur les forêts. Si la pertinence du texte est globalement admise, son processus de mise en œuvre suscite encore de vifs débats tant internes qu’au niveau des partenaires commerciaux des Vingt-Sept, dont l’Afrique.

Plusieurs grandes multinationales de l’industrie agroalimentaire dont Nestlé, Olam Agri, Ferrero, des programmes de certification durable comme Fair Trade Advocacy Office, Voice Cocoa Network et l’Alliance pour la Préservation des Forêts, ainsi que des ONG environnementales ont appelé le jeudi 2 octobre l’Union européenne (UE) à ne pas retarder l’entrée en vigueur de son règlement contre la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE), prévue pour décembre 2025.

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Dans une lettre adressée à Jessika Roswall, la Commissaire européenne à l’Environnement, ces entités au nombre total de 19 ont estimé que le report évoqué de cette loi anti-déforestation à décembre 2026 «?met en péril la préservation des forêts dans le monde entier?» et «?sape la confiance dans les engagements réglementaires de l’Europe?», selon Euractiv qui a obtenu une copie de la missive.  

Roswall annonçait en effet le jeudi 23 septembre que la Commission européenne (CE) cherche à obtenir un nouveau report d’un an de l’entrée en vigueur de ce texte qui vise à interdire les importations de produits de base comme le cacao, le café, l'huile de palme, le caoutchouc, le soja, le bois, les produits bovins ainsi que leurs dérivés, s’ils proviennent de terres déboisées.

Elle a souligné la nécessité de prendre du temps pour préparer le système informatique de surveillance des forêts à la quantité importante d’informations qui y seront introduites dans le cadre de l’application effective de la loi. Les entreprises importatrices doivent fournir les coordonnées géographiques ainsi que des images satellitaires des territoires où elles s’approvisionnent, pour garantir que les produits ne proviennent pas de terres où les forêts ont été rasées.

IMG2 copy copy copy copy copy copyJessika Roswall, Commissaire à l’Environnement de l’UE

Lors d’une réunion tenue le mercredi 1er octobre au Parlement européen, la Commissaire a expliqué que les problèmes techniques entravant l’application des nouvelles règles anti-déforestation de l’UE ne pourront pas être résolus avant la fin de l’année. Pour rappel, l’application de la réglementation, qui devait initialement débuter fin 2024, avait déjà été repoussée au 30 décembre 2025 sous la pression de certains partenaires commerciaux (USA, Brésil et Indonésie notamment) ainsi que de la CE qui mettait déjà en avant un « manque de préparation des partenaires internationaux pour se conformer aux exigences dans les temps impartis ».

Les signataires de la lettre notent de leur côté que les entreprises se sont déjà «?activement préparées à l’entrée en vigueur du texte et ont investi dans la mise en conformité?», tout en suggérant à la CE d’accorder des délais de grâce pouvant aller jusqu’à six mois et de suspendre les amendes en cas d’obstacles techniques.

Un nouveau report servirait les intérêts de l’Afrique

La perspective d’un nouveau report d’un an du RDUE devrait cependant permettre aux pays africains exportateurs des produits concernés par le texte d’améliorer leurs stratégies nationales de traçabilité, en collaboration avec les entreprises étrangères qui s’approvisionnent localement. Dans une déclaration signée à Abidjan vers fin septembre 2024, les pays producteurs de cacao avaient déjà demandé à l’UE deux ans supplémentaires pour se conformer à la nouvelle réglementation.

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Le Commonwealth estime dans un rapport publié en avril 2025, que l’Afrique subsaharienne pourrait perdre annuellement jusqu’à 11 milliards USD de recettes d'exportation de matières premières agricoles avec l’entrée en vigueur du RDUE. Le document précise que les petits exploitants agricoles sont les plus vulnérables, car ils manquent des ressources nécessaires pour couvrir les coûts liés à la certification, au contrôle et à la traçabilité de la chaîne d'approvisionnement.

Les entreprises exportatrices pourraient aussi voir leurs bénéfices diminuer si elles ne parviennent pas à se conformer aux nouvelles règles de l'UE.

Walid Kéfi

Edité par : Feriol Bewa

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