
Bien qu’elle demeure la plus petite « crypto-économie » parmi les régions du monde, l’Afrique subsaharienne démontre que les monnaies virtuelles peuvent servir de solutions pratiques à des défis économiques comme l’atténuation des effets de l'inflation, la facilitation du commerce transfrontalier et l’inclusion financière.
Les transactions en cryptomonnaies ont atteint 205 milliards USD en Afrique subsaharienne entre juillet 2024 et juin 2025, selon une étude publiée le mercredi 10 septembre par la société Chainalysis, spécialisée dans l'analyse de données relatives à la blockchain.
Ce chiffre, qui représente une hausse d’environ 52% par rapport à la période juillet 2023 - juin 2024, fait de cette région la troisième la plus dynamique du monde en la matière, juste derrière l’Asie-Pacifique et l'Amérique latine. La valeur totale des transactions enregistrées au sud du Sahara ne représente cependant qu’environ 2% des transactions en cryptomonnaies recensées sur la période à l’échelle mondiale.
Au niveau national, le Nigeria vient largement en tête avec plus de 92,1 milliards USD de transactions, soit près du triple du deuxième pays, l'Afrique du Sud. L'Éthiopie, le Kenya et le Ghana complètent le Top 5. La prédominance du Nigeria est liée non seulement à son importante population (plus de 230 millions d’habitants) et à sa jeunesse férue de technologies, mais aussi à une inflation persistante et des problèmes d'accès aux devises étrangères qui ont fait des stablecoins et du bitcoin une alternative attrayante.
Au mois de mars 2025, ce pays d’Afrique de l’Ouest a enregistré un volume de transactions record dans la foulée d’une dévaluation du naira qui a entraîné une adoption accrue des cryptomonnaies. Davantage d'utilisateurs se tournent vers les devises cryptographiques pour se protéger contre l'inflation, et les achats en monnaie locale deviennent plus importants, car il faut de la monnaie fiduciaire pour acquérir lesdites devises.
L’étude révèle aussi que la région s'est imposée comme un marché de détail clé. L’analyse des montants des transactions montre que la part des transferts inférieurs à 10 000 USD réalisés au sud du Sahara est plus importante que dans le reste du monde. En Afrique subsaharienne, plus de 8% de la valeur totale transférée entre juillet 2024 et juin 2025 était inférieure à 10 000 USD, contre 6% pour le reste du monde.
Cela peut indiquer que les tendances en matière d'adoption des cryptomonnaies y sont étroitement liées aux défis d'inclusion financière. Malgré les progrès significatifs réalisés ces dernières années, notamment en matière d'adoption du mobile money, un nombre important d'adultes subsahariens restent non bancarisés, ce qui crée un terrain fertile pour les technologies financières alternatives.
Un usage croissant dans le commerce et les affaires
Le Nigeria et l'Afrique du Sud, les deux plus grands marchés de la région, affichent également une activité importante au niveau des entités et institutions, probablement due en grande partie à la croissance du segment B2B, qui facilite les paiements transfrontaliers. Une analyse plus approfondie des échanges révèle que les stablecoins sont fréquemment utilisés dans les transactions commerciales de grande valeur entre l'Afrique, le Moyen-Orient et l'Asie.
En Afrique du Sud, le cadre réglementaire avancé a favorisé une plus grande institutionnalisation du marché des cryptodevises. Avec des centaines de fournisseurs de services liés aux cryptoactifs déjà agréés, le pays a fourni la sécurité réglementaire dont les acteurs institutionnels ont besoin pour s'engager de manière significative.
Les institutions financières explorent aussi activement les options, de la conservation à l'émission de stablecoins, ce qui témoigne du passage d'un intérêt exploratoire à un développement actif de produits. Des entités comme Absa Bank sont à un stade avancé de développement de produits cryptographiques destinés à leur clientèle.
Le bitcoin prédomine
L’étude montre par ailleurs que le bitcoin domine les achats de cryptomonnaies en Afrique subsaharienne. La reine des cryptodevises représente respectivement 89% et 74% des achats au Nigeria et en Afrique du Sud. Cela suggère qu’elle est considérée non seulement comme une réserve de valeur sur les marchés de la région, mais aussi comme un point d'entrée par défaut pour s'exposer aux cryptoactifs, en particulier dans les environnements où la monnaie fiduciaire est sujette à un certain niveau de volatilité et où l'accès à d'autres véhicules d'investissement est limité.
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Au Nigeria où l'accès au dollar américain est strictement contrôlé et où l'inflation reste élevée, le bitcoin est ainsi devenu un outil alternatif de couverture financière et d'épargne largement reconnu. Chainalysis indique à ce titre que l’Afrique subsaharienne représente désormais un terrain d'essai important pour déterminer l'utilité réelle des cryptomonnaies dans la protection contre les effets inflationnistes, la facilitation du commerce transfrontalier et l’inclusion financière là où le système bancaire traditionnel est inexistant ou insuffisant.
Parallèlement aux traditionnels schémas économiques et de spéculation, la région démontre comment les actifs numériques peuvent servir de technologies financières adaptatives et de solutions pratiques à des défis persistants dans des environnements économiques difficiles.
Walid Kéfi
Edité par : Feriol Bewa
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