
Après deux décennies de tentatives ratées pour relancer ses raffineries publiques, le Nigeria pourrait finir par les vendre. Le patron de la NNPC, nommé il y a quelques mois pour remettre les usines sur pied, admet que le chantier est bien plus complexe que prévu.
Le Nigeria n’écarte plus la vente de ses raffineries publiques. C’est ce qu’a déclaré Bayo Ojulari (photo), le nouveau dirigeant de la société publique du pétrole (NNPC), lors d’un entretien avec Bloomberg, en marge du 9e séminaire de l’OPEP à Vienne.
« La vente n’est pas exclue. Toutes les options sont actuellement à l’étude », a-t-il indiqué, précisant qu’une revue stratégique des activités de raffinage est en cours et devrait être finalisée d’ici la fin de l’année.
Cette sortie marque un tournant. Depuis des années, la relance des raffineries de Port Harcourt, Warri et Kaduna est une promesse récurrente des autorités. Selon un rapport parlementaire publié en 2023, environ 25 milliards de dollars ont été investis entre 2003 et 2023, sans que ces infrastructures ne soient remises durablement en service.
Malgré plusieurs annonces de relance, les résultats restent décevants. La raffinerie de Port Harcourt, relancée fin 2024 après un chantier de 1,5 milliard $, a été de nouveau arrêtée en mai 2025. Warri, qui avait repris à 60?% de sa capacité, est, elle aussi, à l’arrêt après une défaillance majeure. À Kaduna, les travaux de réhabilitation sont toujours en cours.
Bayo Ojulari reconnaît que la complexité technique dépasse les prévisions. Certaines technologies introduites ne sont pas compatibles avec les équipements vétustes, et il admet que les raffineries sont restées à l’arrêt trop longtemps.
Le constat rejoint celui d’Aliko Dangote, qui affirmait récemment qu’il était illusoire de moderniser ces installations sans repartir de zéro. Pour lui, investir dans ces usines revient à essayer de faire rouler une voiture conçue il y a quarante ans avec des pièces d’aujourd’hui.
Un test crucial pour la NNPC
Nommé en avril 2025 par le président Bola Tinubu, Bayo Ojulari devait incarner une nouvelle ère à la tête de la NNPC. L’ancien cadre de Shell avait pour mission de relancer la production pétrolière, de moderniser l’entreprise et surtout, de faire fonctionner les raffineries publiques.
Moins de quatre mois après sa prise de fonction, l’un de ses principaux chantiers est déjà remis en question. Cela en dit long sur l’ampleur des blocages dans le secteur : choix techniques discutables, une gouvernance défaillante, des scandales de détournements présumés et de corruption.
Pour Ojulari, ce dossier est un test majeur. Il veut préparer la NNPC à une introduction en Bourse d’ici 2028. Mais pour cela, il faudra démontrer que l’entreprise sait prendre des décisions difficiles, tourner la page du gaspillage passé et concentrer ses ressources sur les projets les plus rentables, notamment dans le gaz.
La NNPC ambitionnait pourtant d’atteindre 200?000 barils de produits raffinés par jour d’ici 2027, et 500?000 à l’horizon 2030. Mais ces objectifs semblent de plus en plus compromis.
Olivier de Souza
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