
Entre 30 et 40 tonnes d’or sortent chaque année illégalement de Côte d’Ivoire, pour une valeur supérieure à 4 milliards $ au cours actuel de l’or. Alors que la production industrielle bat des records, le gouvernement veut récupérer le manque à gagner lié à la filière artisanale et à petite échelle.
La Côte d’Ivoire a signé vendredi 11 juillet un accord avec la Banque mondiale et le World Gold Council pour renforcer les capacités des acteurs de l’exploitation minière à petite échelle de l’or. Ce projet s’inscrit dans la stratégie de lutte mise en place par le gouvernement ivoirien contre la contrebande d’or estimée à plus de 4 milliards de dollars en 2025.
Dénommée Partenariat multipartite pour une exploitation minière à petite échelle durable et responsable (MSPI), l’initiative inclut les compagnies minières Endeavour Mining et Perseus Mining, ainsi que l’équivalent ivoirien de la Chambre des Mines. Parmi les actions prévues, des formations permettant aux petits mineurs d’adopter des normes environnementales et sociales internationales et d’accéder aux marchés officiels de négoce de l’or.
Le World Gold Council prévoit notamment la mise en place de modèles de mines à petite échelle, dont la production sera entièrement traçable et commercialisée légalement. A noter que d’autres détails pratiques sur la mise en œuvre du projet en Côte d’Ivoire ne sont pas disponibles, comme le financement dédié, le nombre de petits mineurs concernés ou encore la production d’or qui pourrait revenir dans le circuit légal avec ce projet.
Le MSPI est un projet lancé en 2023, avec une première phase qui devrait couvrir certains pays d’Afrique de l’Ouest et du Sahel et s’achever en 2025. La seconde phase devrait être lancée en 2026 et s’étendre jusqu’en 2033, avec davantage de pays et de régions impliqués au fil du temps. Le lancement de ce projet en Côte d’Ivoire intervient alors que le ministre ivoirien des Mines, Mamadou Sangafowa-Coulibaly, est en pleine tournée nationale de sensibilisation contre l’orpaillage illégal.
Un trésor à reconquérir
Outre l’impact environnemental et sécuritaire du phénomène, l’orpaillage illégal alimente aussi la contrebande d’or. Selon un rapport publié en 2024 par l’ONG helvétique SWISSAID, ce sont 30 à 40 tonnes qui sortent chaque année du pays de manière illégale. La Banque mondiale évoque une estimation de 40 tonnes d’or de contrebande pour la seule année 2022, d’une valeur supérieure à 2 milliards de dollars aux prix de cette année-là. Au cours actuel de l’or, la valeur de la contrebande d’or dépasse les 4 milliards de dollars. Sans les exportations illégales, une part des recettes générées par cet or reviendrait à l’Etat sous forme de redevances et d’impôts.
Malheureusement, « la quasi-totalité de l’or issu de l’extraction minière artisanale et à petite échelle (EMAPE) en Côte d’Ivoire n’est pas enregistrée officiellement par les autorités ivoiriennes et n’apparaît donc pas dans les statistiques de l’Etat ivoirien », indique SWISSAID. L’ONG fait état d’une augmentation de la production d’or à petite échelle, dans le sillage du boom de la production industrielle, qui a plus que doublé en 10 ans.
Alors que l’afflux de Burkinabés et de Maliens fuyant les violences dans leurs pays respectifs, ainsi que la libéralisation de zones auparavant sous le contrôle de rebelles sont cités comme facteurs explicatifs, les mesures mises en place jusqu’ici n’ont pas permis d’arrêter le phénomène. Il faut dire que la Côte d’Ivoire fait face à un phénomène commun à la plupart des producteurs africains d’or comme le Mali, l’Afrique du Sud ou le Ghana.
Dans ce dernier pays, la répression contre les mineurs illégaux s’accompagne depuis quelques années de mesures d’accompagnement à la formalisation ou de programmes d’insertion à l’emploi pour les acteurs voulant changer de secteur. En attendant les résultats du programme MSPI, les autorités ivoiriennes misent actuellement sur l’implication des populations contre l’exploitation minière illégale, à travers la coopération dans la surveillance, l’alerte précoce et la recherche d’alternatives, indique le ministre Sangafowa-Coulibaly.
Emiliano Tossou