
En imposant des droits de douane de 30 % sur les exportations sud-africaines, Donald Trump menace directement la survie économique des fermiers blancs qu’il affirme vouloir protéger.
Dès le 1er août, les États-Unis appliqueront un droit de douane de 30 % sur plusieurs produits agricoles sud-africains, dont les agrumes, le vin, le soja, la canne à sucre et la viande bovine. Ces produits bénéficiaient jusqu’ici d’un accès préférentiel au marché américain dans le cadre de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), un levier stratégique pour les producteurs sud-africains, notamment ceux spécialisés sur le créneau des exportations saisonnières vers les États-Unis.
Le secteur des agrumes, particulièrement ciblé, est important pour l'économie du pays africain. Deuxième exportateur mondial derrière l’Espagne, l’Afrique du Sud tire environ 100 millions $ par an de ses ventes d’agrumes vers les États-Unis. Bien que ce marché ne représente que 6 % des exportations totales de fruits, il reste stratégique. En effet, certaines zones agricoles sud-africaines y sont spécifiquement dédiées, les cargaisons étant expédiées pendant l’hiver nord-américain, période creuse pour la production locale. En outre, une réorientation des exportations à court terme reste difficile, en raison des normes phytosanitaires variables d’un pays à l’autre.
L’administration Trump justifie sa décision par une volonté de « corriger les nombreuses années de barrières commerciales sud-africaines », qu’elle considère comme responsables d’un déséquilibre commercial structurel. Elle affirme que ces mesures sont nécessaires pour rétablir l’équilibre et protéger les intérêts économiques américains, dans un contexte d’intensification de la guerre commerciale.
Mais à Pretoria, la lecture est tout autre. Dans un communiqué publié le 8 juillet, le président sud-africain Cyril Ramaphosa conteste cette mesure « unilatérale » fondée sur une « interprétation particulière » de la balance commerciale. Il rappelle que 77 % des produits américains accèdent sans droits de douane au marché sud-africain, et que 56 % des marchandises importées par l’Afrique du Sud ne sont soumises à aucun tarif. Le tarif moyen appliqué y est de 7,6 %, un écart considérable avec les 30 % imposés par Washington.
Une décision aux effets pervers pour ceux qu’elle prétend soutenir
Officiellement, Donald Trump justifie ces sanctions commerciales par une réponse à la loi du 23 janvier 2025 sur l’expropriation sans compensation, qu’il présente comme une atteinte aux droits humains.
Pourtant, cette décision rend l’activité des fermiers blancs non viable à l’export, et affecte l’ensemble d’une filière agricole reposant sur une main-d'œuvre majoritairement noire, ainsi que sur un tissu de PME multiraciales. Loin d’être une sanction ciblée, la hausse tarifaire agit comme une punition collective, déconnectée des dynamiques sociales sud-africaines.
Avec des échanges commerciaux évalués à 17,6 milliards $ en 2023, selon l'International Trade Centre, les États-Unis restent un partenaire de poids pour l’Afrique du Sud. Et sur le marché des fruits frais, les concurrents comme le Pérou ou l’Australie se préparent déjà à occuper l’espace libéré.
Olivier de Souza
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