La Chine s’intéresse aux mines au Malawi, un MoU de 7 milliards $ et des questions

Publié le 24/06/2025

Le gouvernement du Malawi a annoncé la signature d’un protocole d’accord avec le groupe chinois Hunan Sunwalk, portant sur un investissement de 7 milliards de dollars pour développer le secteur minier, en particulier l’extraction du titane. L’information, rendue publique il y a quelques jours, a été largement relayée dans la presse nationale et présentée comme un tournant majeur. Mais l’absence de détails sur les contours de ce MoU et le fait même que ce pays d’Afrique australe soit historiquement peu actif dans les ressources stratégiques soulèvent de nombreuses interrogations.

Signé le 16 juin à Changsha, en Chine, en marge du China-Africa Economic and Trade Expo, le mémorandum d’entente entre le ministère malawite des Mines et la société chinoise Hunan Sunwalk a été présenté comme un tournant stratégique. Selon les déclarations officielles, l’accord à 7 milliards $ prévoirait l’extraction de titane, la construction d’une unité de transformation, des transferts technologiques et un ensemble d’investissements dans les infrastructures. Le ministre des Mines, Kenneth Zikhale Ng’oma, a affirmé que le projet s’inscrivait dans la vision du président Lazarus Chakwera de faire des ressources naturelles un levier de croissance, et que des évaluations environnementales et sociales avaient été conduites. La société chinoise a salué une coopération stratégique et exprimé un intérêt plus large pour d'autres secteurs.

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Kenneth Zikhale Ng’oma

Au stade actuel, peu de détails ont été communiqués sur les modalités d’engagement du groupe chinois. La répartition du montant évoqué (considérable à l’échelle de l’économie malawite) n’a fait l’objet d’aucune précision. On ignore s’il s’agit d’investissements directs, d’infrastructures en échange de concessions, ou d’une promesse conditionnée à l’obtention d’un permis d’exploration ou d’exploitation.  Le flou entourant l’annonce se double d’un profil de partenaire qui questionne. Hunan Sunwalk est une société privée chinoise dont les principales activités concernent les télécommunications, les infrastructures de fibre optique et l’aménagement urbain en Chine. Elle n’est pas connue comme un acteur minier établi, et les rares références à son implication dans des projets extractifs en Afrique subsaharienne ne sont pas documentées de manière transparente.

D’un autre côté, le district de Salima est évoqué comme site potentiel, mais aucune indication officielle ne permet d’en connaître le périmètre ou les interactions éventuelles avec les permis déjà en cours dans la région. Dans ce même district, faut-il le souligner, la compagnie australienne Sovereign Metals pilote ce qu’il présente comme son premier projet de graphite et rutile (un des principaux minerais du titane) en Afrique. Selon les estimations de la société, la mine devrait produire annuellement 233 000 tonnes de graphite en paillettes et 222 000 tonnes de rutile sur une durée de vie de 25 ans. Alors qu’une étude de faisabilité définitive (DFS) du projet est attendue d’ici fin 2025, l’actif est suivi de près par le géant minier Rio Tinto qui a signé en septembre dernier un accord pour porter sa participation dans Sovereign Metals à 19,9 %.

En avril 2025, le Malawi Investment and Trade Centre a affirmé que les réserves nationales de titane pouvaient atteindre une valeur théorique de plusieurs milliards de dollars, évoquant des calculs sur la base des cours mondiaux. Selon les propos du DG Kruger Phiri, relayés dans la presse locale, le pays peut devenir un des principaux fournisseurs sur le plan mondial s’il attire les investissements nécessaires.

Un secteur en transition, les premières réponses

Selon les données de l’International Trade Administration, publiées en 2024, le secteur minier malawite représente actuellement environ 1 % du PIB et cette part devrait rester marginale. Malgré cette prévision, ainsi que les zones d’ombre entourant le MoU susmentionnées, il convient de souligner qu’un vent nouveau souffle sur le secteur depuis quelques mois.

En plus des récents développements du projet de Kasiya, il faut aussi évoquer les avancées de l’australien Lotus Resources sur son projet de relance de la mine d’uranium Kayelekera, qui était en production entre 2009 et 2014 avant d’être fermée à cause d’une baisse de prix. La compagnie a déjà obtenu le financement pour les travaux de construction et prévoit de rouvrir en 2025 la mine qui peut encore livrer, selon les estimations, 19,3 millions de livres d’uranium pendant 10 ans.

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Mine d’uranium Kayelekera

En janvier dernier, la Banque mondiale a recommandé aux autorités des mesures visant à maximiser les revenus du secteur minier, qui pourraient atteindre 30 milliards de dollars d’ici 2040. L’institution indique dans ses conclusions rapportées par Agence Ecofin que le secteur a le potentiel de générer jusqu’à 10 % du PIB d’ici 2063, proche du niveau déjà atteint en 2013. Elle cite plusieurs défis parmi lesquels on retrouve les difficultés de l’administration à contrôler les exportations, ainsi que le manque de laboratoires accrédités pour analyser les minéraux et en déterminer la qualité, la teneur ainsi que la valeur.

Et ensuite…

Le protocole signé avec Hunan Sunwalk suscite autant d’espoir que de questions. La suite dépendra des clarifications que pourront apporter les autorités malawites et du niveau de transparence sur les prochaines étapes. Il faudra également observer l’évolution des autres projets miniers en cours et les orientations concrètes du gouvernement dans un secteur encore peu structuré.

Dans l’immédiat, le contexte économique reste fragile. Dans sa dernière note sur le pays datant de début juin, le FMI a indiqué que la croissance malawite avait ralenti à 1,8 % en 2024, et que plus de 20 % de la population faisait face à une insécurité alimentaire aiguë. L’institution s’attend cette année à une croissance du PIB de 2,4 % (puis 3,4 % à moyen terme) et une inflation de 29 % (puis 14 % à moyen terme).

Louis-Nino Kansoun

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