UEMOA : les réserves de change progressent de plus de 40% en 2024 

Publié le 24/04/2025

Portée par une balance des biens et services qui s’est redressée en fin d’année et la hausse effrénée des cours de l’or, la BCEAO a vu ses réserves de change bondir de 42 % en 2024. Un niveau qui renforce la crédibilité du franc CFA, mais suscite aussi des attentes sur un éventuel assouplissement des conditions financières.

C’était l’un des derniers piliers que la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) brandissait pour justifier le maintien de sa politique monétaire resserrée : des réserves de change jugées encore fragiles. Fin 2024 particulièrement, cet argument a perdu de sa crédibilité. La Banque centrale a fait le plein, et pas qu’un peu. À la faveur de la bonne tenue des recettes d’exportation qui ont gonflé les avoirs en devises (euros et dollars) et d’un coup de pouce venu des marchés de l’or, ses réserves ont grimpé à 13 514 milliards de francs CFA (soit 20,6 milliards d’euros ou 23,4 milliards de dollars), contre 9 490 milliards un an plus tôt. Une progression de 42 %, qui redonne de l’épaisseur à son coussin de sécurité.

Derrière ce bond : une montée en puissance des dépôts en devises, de la valeur des lingots d’or – qui n’ont jamais autant brillé que l’année dernière –, et une position en droits de tirage spéciaux (DTS) auprès du FMI qui se renforce.

C’est du côté des devises que la BCEAO a enregistré sa plus belle performance. Les avoirs en monnaies étrangères ont progressé de 48 %, passant de 5 761 à 8 540 milliards de francs CFA (près de 13 milliards d’euros). Une dynamique largement tirée par des placements en dollars américains – environ 4 454 milliards FCFA – sous forme de dépôts à court terme et d’investissements institutionnels, et en euros – 3 543 milliards FCFA – via un portefeuille obligataire orienté vers des titres souverains de la zone euro.

En clair, la BCEAO a intensifié ses relations avec la Banque des règlements internationaux (BRI) et le programme RAMP de la Banque mondiale, où elle a placé une part croissante de ses liquidités. Ces placements à court terme ont atteint 4 454 milliards FCFA (6,8 milliards d’euros), soit plus du double du montant observé en 2023. À l’inverse, le portefeuille obligataire est resté relativement stable, à 4 045 milliards FCFA, une prudence assumée dans un contexte de taux encore incertain.

Cette consolidation des réserves s’est aussi appuyée sur un environnement extérieur plus favorable. En 2024, la balance des paiements courants de l’UEMOA a dégagé un excédent de 3 013,9 milliards FCFA (4,6 milliards d’euros), contre un déficit de plus de 3 500 milliards un an plus tôt. La hausse des prix de certaines matières premières stratégiques pour la région – cacao, huiles végétales, caoutchouc – a clairement pesé dans la balance.

La valorisation de l’or représente un second levier. Le stock du métal précieux n’a pas changé – environ 1,52 million d’onces – mais voit sa valorisation progresser de 38 %, à 2 531,8 milliards FCFA (3,9 milliards d’euros), contre 1 831,7 milliards FCFA un an plus tôt. Cette hausse est directement liée à l’appréciation du cours de l’once sur les marchés internationaux, passé de 1,2 à 1,67 million de francs CFA. Ces plus-values latentes, bien qu’exclues du résultat net, viennent renforcer les fonds propres via le résultat global.

Enfin, la position en DTS s’est améliorée, pour atteindre 2 235 milliards FCFA (3,4 milliards d’euros), contre 1 697 milliards en 2023. Cette progression combine un effet de change favorable – le taux de conversion du DTS est passé de 799 à 823 FCFA – et une reconstitution partielle après les tirages effectués durant la période post-Covid.

Dans ce contexte, la BCEAO affiche également un résultat net qui a doublé, pour s’établir à 685,9 milliards FCFA (1,05 milliard d’euros), soutenu par une meilleure rentabilité de ses injections de liquidités.

Ce regain de réserves donne à la BCEAO bien plus que du confort : il renforce sa capacité à intervenir en cas de choc extérieur, tout en envoyant un signal clair sur la solidité de la parité fixe entre le franc CFA et l’euro. Un message rassurant, surtout à l’heure où plusieurs États membres jonglent avec des finances publiques sous tension.

Ce matelas de devises confère aussi à l’Union monétaire ouest-africaine une plus grande marge de manœuvre dans la gestion de sa liquidité et de ses engagements extérieurs.

Mais tout n’est pas gravé dans le marbre. Une partie non négligeable de cette embellie reste liée à des effets de valorisation : si les taux mondiaux venaient à baisser ou si l’or perdait de sa superbe, la courbe pourrait s’inverser aussi vite qu’elle est montée. Et en cas de tensions sur la demande de devises – une hausse des importations ou un recul des recettes d’exportation, par exemple – la BCEAO pourrait devoir puiser dans son stock dès 2025.

L’institution reste donc vigilante. Mais sur les marchés, nombreux sont ceux qui s’attendent à ce que, forte de cette manne financière, la BCEAO envisage désormais d’assouplir les conditions financières, afin de soutenir plus activement le financement de l’économie régionale, d’autant que l’inflation, pour l’heure, reste bien ancrée dans la fourchette cible. « Espérons que la banque centrale songera à mettre à profit cette manne financière pour appuyer le financement de l’économie plutôt que de se limiter à la seule lutte contre l’inflation », commente Dally Gotta,Chief Investment Officer chez SOAGA, une firme de gestion d’actifs basée à Cotonou et Abidjan. Une sorte d’appel à une détente sur les taux. 

Fiacre E. Kakpo