Madagascar : le FMI acte des progrès et soutient la poursuite des réformes

Publié le 23/04/2025

Au terme d’une mission à Antananarivo du 2 au 14 avril 2025, les équipes du FMI sont parvenues à un accord préliminaire avec les autorités malgaches en vue du décaissement de 108 millions de dollars. Cet accord, encore soumis à l’approbation du conseil d’administration, reflète une évaluation globalement positive des progrès réalisés en matière de gestion des finances publiques et d’avancées dans les réformes structurelles engagées depuis 2024.

L’institution de Bretton Woods conditionne désormais la suite du programme à des avancées concrètes dans le secteur de l’énergie et en matière de gouvernance. En toile de fond, son dernier rapport publié en février anticipe une reprise progressive de l’économie malgache, avec une croissance attendue à 4,6 % en 2025, portée par l’agriculture, le tourisme, le textile et les mines.

En 2024, l’économie malgache a conservé le même rythme qu’en 2023, avec une croissance estimée à 4,2 %. Une bonne campagne rizicole et la remontée de la production de graphite ont soutenu l’activité, malgré les dégâts causés par le cyclone Gamane en mars. Pour 2025, la croissance devrait être soutenue à nouveau par l’augmentation de la production agricole, mais aussi par le tourisme, l’industrie textile et les mines.

Une bonne campagne rizicole et la remontée de la production de graphite ont soutenu l’activité, malgré les dégâts causés par le cyclone Gamane en mars.

Dans le secteur agricole, les autorités misent sur une montée en productivité pour renforcer la sécurité alimentaire et viser l’autosuffisance en riz à moyen terme. Des efforts sont engagés pour améliorer les rendements grâce à l’usage de semences hybrides, à la mécanisation et à une meilleure gestion de l’eau. Le secteur textile devrait, lui aussi, contribuer à la croissance. Tiré par les exportations vers l’Europe et les États-Unis, il bénéficie d’un cadre fiscal stable, d’un accès préférentiel à plusieurs marchés, et d’un coût du travail compétitif. La Banque mondiale anticipe une progression continue de l’activité, soutenue par l’extension des capacités de production et par une amélioration partielle des infrastructures portuaires.

Tourisme et mines : mieux valoriser des atouts existants

Le tourisme malgache devrait bénéficier d’une meilleure accessibilité aérienne en 2025. En plus de l’arrivée en 2024 d’Emirates, qui augmente la fréquence de ses vols vers cette destination, de quatre à six services hebdomadaires dès avril 2025, les premiers résultats des accords de partage de code entre Madagascar Airlines et Air France devraient être visibles cette année. Concrètement, ces accords permettront aux voyageurs internationaux de réserver plus facilement un trajet combinant un vol long-courrier opéré par Air France jusqu’à Antananarivo, puis une correspondance assurée par Madagascar Airlines vers des destinations locales comme Nosy Be ou Fort-Dauphin.

Ces accords permettront aux voyageurs internationaux de réserver plus facilement un trajet combinant un vol long-courrier opéré par Air France jusqu’à Antananarivo, puis une correspondance assurée par Madagascar Airlines vers des destinations locales comme Nosy Be ou Fort-Dauphin.

Ce type d’intégration facilite les réservations, garantit la correspondance sur un seul billet, et augmente la visibilité de Madagascar sur les moteurs de recherche de vols. Dans un pays où l’offre aérienne reste limitée et éclatée, cette fluidité nouvelle pourrait stimuler les arrivées touristiques, encore inférieures au niveau d’avant-Covid (384 000 visiteurs en 2019, contre 308 000 en 2024).

Du côté des mines, l’accélération de la production de graphite, notamment par NextSource Materials et Tirupati Graphite, devrait soutenir la croissance. Dopées par la demande mondiale et les restrictions à l’export imposées par la Chine, les exportations malgaches de graphite ont presque doublé en volume au premier semestre 2024, passant de 23 900 à 45 000 tonnes. Une reprise progressive de la production de nickel est également anticipée, après une contraction liée à la baisse des cours mondiaux.

Une dynamique fragile sans soutien structurel

La croissance projetée par le FMI (4,6 %) reste inférieure aux prévisions du gouvernement, qui table sur une augmentation de 6,4 %. Ce décalage traduit une relative prudence de la part de l’institution au regard d’un certain nombre d’incertitudes qu’elle a identifiées.

Pour qu’elle se confirme, plusieurs chantiers devront être menés à terme, en particulier dans les secteurs de l’énergie, des finances publiques et de la gouvernance.

Dans l’agriculture, les ambitions d’autosuffisance doivent encore surmonter les défis de la vulnérabilité climatique et du manque d’investissements structurants dans l’irrigation ou les chaînes de valeur locales. Le textile reste tributaire de la demande extérieure et de l’état des infrastructures portuaires. Le tourisme, bien qu’en reprise, souffre encore de l’insuffisance des liaisons intérieures, du coût élevé des déplacements, et de la faible densité de services dans les régions à fort potentiel.  Quant au graphite, il représente un levier prometteur, mais encore marginal en valeur : selon le FMI, il pèse moins d’un dixième des exportations minières totales. Et la reprise du nickel dépendra aussi de l’évolution des cours mondiaux.

Par ailleurs, le FMI attend des progrès supplémentaires en ce qui concerne la situation de la JIRAMA. La société publique d’eau et d’électricité cumule des pertes techniques importantes, un faible taux de couverture (36 % d’accès à l’électricité), et une dépendance significative aux subventions publiques. « La mission a pris note de l’élaboration en cours du plan de redressement de la JIRAMA et des discussions y afférentes au sein du gouvernement. Une adoption et une mise en œuvre rapides de ce plan, une fois finalisé, contribueraient à améliorer l’approvisionnement en électricité et en eau, à réduire les coûts de production et à limiter les appels au budget de l’État », indiquait l’institution dans un communiqué le 15 avril, qui salue également les efforts de Madagascar en matière de discipline budgétaire.

Des perspectives à concrétiser

Les perspectives de croissance économique envisagées reposent sur des fondations encore fragiles. Pour qu’elles se confirment, plusieurs chantiers devront être menés à terme, en particulier dans les secteurs de l’énergie, des finances publiques et de la gouvernance. En dehors de la situation de la JIRAMA, la poursuite du mécanisme de tarification automatique des carburants est également espérée. A cet égard, les efforts engagés pour compenser l’impact sur les populations les plus vulnérables – via le déploiement de kits solaires ou l’utilisation du registre social – ont été salués et présentés comme participant à la crédibilité de la trajectoire budgétaire.

L’adoption d’une stratégie nationale de lutte contre la corruption, récemment officialisée, va dans le sens d’une plus grande transparence dans l’allocation des ressources.

L’adoption d’une stratégie nationale de lutte contre la corruption, récemment officialisée, va dans le sens d’une plus grande transparence dans l’allocation des ressources. Mais au-delà des engagements, c’est leur mise en œuvre effective qui déterminera l’ampleur et la durabilité du redressement. La validation de l’accord préliminaire par le conseil d’administration, attendue dans les prochaines semaines, sera une première étape. La concrétisation des réformes, sur le terrain, sera la suivante.