La visite d’État annoncée d'Emmanuel Macron au Maroc, prévue pour les prochaines semaines, marque un tournant crucial dans les relations franco-marocaines, après plusieurs années de tensions diplomatiques. Selon le communiqué officiel du Cabinet Royal marocain, cette visite, qui se distingue d'une simple visite officielle par son caractère symbolique et formel, constitue un moment de célébration des liens historiques entre les deux nations et intervient à un moment clé. Une visite d’État implique généralement des honneurs protocolaires de la plus haute importance et reflète l’importance stratégique de la relation entre les pays concernés.
Un apaisement après une crise prolongée
Cette visite d’État survient à la suite d’une « crise sourde » qui a émaillé les relations entre Paris et Rabat depuis plusieurs années. Les tensions ont été particulièrement exacerbées par la « crise des visas », un épisode où la France avait décidé de restreindre considérablement les visas accordés aux Marocains en 2021, sous prétexte de manque de coopération de la part des autorités marocaines sur les questions de réadmission des migrants expulsés. Ce durcissement avait entraîné une vague de mécontentement au Maroc et marqué un refroidissement notable des échanges entre les deux pays.
En parallèle, les relations économiques, autrefois prospères, ont également connu un ralentissement. La coopération, autrefois intense dans des secteurs clés tels que les infrastructures, l’énergie, et l’éducation, a été marquée par une baisse des investissements directs étrangers (IDE) français au Maroc. Selon les données de la Banque mondiale, les flux d’IDE entre la France et le Maroc ont ralenti de 10 % entre 2021 et 2023.
Les facteurs d’un rapprochement diplomatique
Cependant, plusieurs éléments ont contribué à l’amélioration des relations bilatérales, facilitant cette visite d’Emmanuel Macron au Maroc. D'abord, une série de rencontres de haut niveau a joué un rôle crucial. Parmi elles, la visite de Bruno Le Maire à Marrakech en octobre 2023, à l’occasion des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, a marqué une volonté de rétablir le dialogue économique. De plus, les échanges entre divers ministres des deux pays, comme ceux dans le cadre du dialogue stratégique, ont montré une dynamique croissante pour relancer la coopération.
Le véritable point de basculement est survenu le 30 juillet 2024, lorsqu’Emmanuel Macron a adressé une lettre au roi Mohammed VI, à l’occasion du 25ème anniversaire de son accession au trône. Dans cette lettre, le président français a franchi un pas historique en affirmant que « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Cette reconnaissance, tant attendue par Rabat, était le geste symbolique et politique qui a permis de rétablir des bases solides pour une relation bilatérale apaisée.
Perspectives économiques et renforcement de la coopération
La reconnaissance du Sahara marocain ouvre la voie à une coopération économique renforcée. La France, premier investisseur étranger au Maroc en 2023 avec un stock d'investissements avoisinant les 20 milliards d’euros, est déjà bien ancrée dans des secteurs stratégiques comme les infrastructures, l’automobile, et l’énergie renouvelable. Le Maroc, de son côté, est devenu le deuxième partenaire commercial de la France en Afrique, avec des échanges commerciaux dépassant les 11 milliards d’euros en 2022.
La visite d’Emmanuel Macron sera l’occasion de discuter des perspectives économiques futures, notamment dans des secteurs à forte valeur ajoutée comme les énergies renouvelables, où le Maroc est un leader continental avec des projets comme Noor Ouarzazate, le plus grand complexe solaire au monde. La France, à travers des entreprises comme Engie ou EDF, pourrait renforcer ses partenariats dans ce secteur.
Il est également question d’élargir la coopération dans les domaines du numérique et de l’innovation. Avec l'émergence de Casablanca et Rabat comme hubs technologiques régionaux, de nombreuses startups marocaines cherchent à attirer des capitaux et des partenariats technologiques avec des entreprises françaises. Le développement d’infrastructures intelligentes, en lien avec l’Agenda vert marocain, pourrait aussi figurer parmi les priorités de la visite.
Une stratégie africaine conjointe ?
Cette visite s’inscrit dans un cadre plus large de repositionnement stratégique de la France en Afrique. Alors que Paris connaît des revers notables en Afrique subsaharienne, notamment avec la montée des sentiments anti-français au Sahel et la perte d’influence militaire, le Maroc se positionne comme un partenaire incontournable en Afrique. Fort de sa profondeur stratégique et économique en Afrique de l’Ouest, avec des investissements massifs dans les banques et l’agriculture, le Maroc peut offrir à la France un levier pour maintenir ses positions sur le continent.
Le Maroc est désormais le deuxième plus grand investisseur africain en Afrique, avec une présence notable dans plus de 30 pays africains. Cette dynamique, couplée à la position géopolitique du Maroc dans l’axe Afrique-Atlantique, en fait un partenaire idéal pour la France dans sa stratégie de réengagement en Afrique. Paris pourrait chercher à tirer parti de cette relation privilégiée pour stabiliser sa position sur le continent, à travers des projets conjoints en matière de sécurité, de développement économique, et d’infrastructure.
Vers une relation bilatérale rénovée
Cette visite d’État d’Emmanuel Macron au Maroc est donc plus qu’un simple exercice diplomatique. Elle annonce une nouvelle ère dans les relations franco-marocaines, marquée par une convergence politique sur le dossier du Sahara et par des perspectives de coopération économique renforcée. Elle ouvre la voie à une relation bilatérale rénovée, probablement attendue tant par les Marocains que les Français, après plusieurs années d'incertitudes.